Two artists living a century apart, a correspondence, bird sculptures Deux artistes d’un siècle d’écart, une correspondance, des sculptures to Edith | à Edith South Downs South Downs,is both an essay, a friendly correspondence dreamed up between two artists a century apart and a sculpture exhibition of birds from the South England hills. From a recent encounter with the light and the scents of these hills, their immensities, from an encounter twenty years ago with Edith Holden’s drawings and texts, has come to me the idea of an essay, an exhibition. A tribute to the centenary of her passing, in 1920, an exchange of letters with her. Edith, illustrator, painter was born on the 26th September 1871, in England. Eric, sculptor, painter was born on the 30th September 1971, in France. They love painting, writing . The colour and the word love the emotions. Watching, staying connected to nature, simply. Twenty four sculptures and twelve texts are shown, as many landscapes, colours, moments of a year. Our correspondance are friendly letters, thoughts, creations, travels, seasons for the bird and flowers. And the joices to go and refresh oneself in the South Downs. South Downs are made up with chalk grassland, beech hanger and woodlands, heathland, farmland, river and marsches, coastlines. The essay begins the 16th July, they are getting ready for a trip in September, Autumn… « South Downs, birds » est à la fois un essai, une correspondance amicale imaginée entre deux artistes d’un siècle d’écart, et une exposition de mes sculptures d’oiseaux observés sur les collines du sud de l’Angleterre, les South Downs, du Hampshire à l’East Sussex. D’une rencontre récente avec la lumière et les parfums de ces collines, leurs immensités, d’une rencontre il y a vingt ans avec les illustrations et les textes d’Edith Holden, m’est venu l’idée d’un essai littéraire, d’une exposition. Un hommage aux 100 ans de sa disparition, en 1920. Edith, illustratrice, peintre, est née le 26 septembre 1871, en Angleterre. Eric, sculpteur, peintre, est né le 30 septembre 1971, en France. Ils aiment peindre et écrire. La couleur et le mot aiment les émotions. Observer, rester connectés avec la nature, simplement. 24 sculptures et 12 textes sont présentés, autant de paysages, de couleurs, de moments d’une année. Nos correspondances sont des lettres d’amitiés, des pensées, des créations, des voyages, les saisons chez les oiseaux et les fleurs. Et les joies de venir se ressourcer. Les South Downs sont composées de côteaux calcaires, de boqueteaux de hêtres et boisements, de landes à bruyères, de champs, de rivières et marais, de bords de mer. L’essai commence un 16 juillet, ils se préparent pour un second voyage, en septembre, l’automne… July | juillet the common swift | le martinet noir, 16 cm August | août the red kite | le milan royal, 48 cm And the red ochered The elegant bird hovers Follows the curves. […] Et le roux ocré L’ oiseau élégant flâne Suit les arrondis […] September | septembre the european stonechat | le tarier pâtre, 13 cm Il y a l’été, l’automne, l’hiver, le printemps, et voilà l’été, notre rencontre. There is Summer, Autumn, Winter, Spring and here is Summer, our encounter. October| octobre the short-eared owl | le hibou des marais, 36 cm November | novembre the common snipe | la bécassine des marais, 26 cm and the woodcock | et la bécasse des bois December | décembre the grey partridge | la perdrix grise, 28 cm sculptures January | janvier the tawny owl | la chouette hulotte, 32 cm Et le noir bougie Estompes sous la branche Matin de janvier February | février the common linett | la linotte mélodieuse, 14 cm Ciel froid février Les manteaux terre de Sienne Picorent et s’envolent March | mars April | avril May | mai June | juin chalk grassland | côteaux calcaires beech hanger and woodlands | boqueteaux de hêtres et boisements heathlands | landes à bruyères farmland | paysages des champs rivers and marshes | rivières et marais costline | bords de mer correspondances extracts| extraits des correspondances Knowle, 29 th July Dear friend, In September, we are to meet for a second autumn trip. We have talked, indeed, of going back to Storrington, a lovely idea, yes. To walk again on the South Downs way towards Amberley, Houghton and the Arun Valley, coming across its birds, its butterflies, welcoming Autumn and its lights, its colours, the sun on the sea far away and the Hillside, its energies to reflect on the year feelings, paths and introspections, let this season of balance vibrate deep inside oneself, nature setting little by little. Edith has arrived at Knowle by bike, just as on the 7th July, to see again the orchids and wild roses along the edges, the blue of the forget-me-not in the marshes. She has brought shortcakes to thank the local woman who had given her a white waterlily at the pond of Packwood House. She was feeling a subtle mixture of spontaneity and elation to sit down and write with the usual simplicity, easiness and skill of her letters. This morning, along with the wheat field scents, there were thin touches of poppy red slipped thinly between the grain green leaves. A light wind made the vetches undulate, leaves from a notebook were turning, were thinking. Was Edith thinking of the orange red of the Common Stonechat between the hawthorn leaves on a limestone hill ? Of the friendly confidences in their first letters, of the simplicity of sharing ? Yes, she was sketching out sentences, quickly, her feet anchored in the ground. The ground was so pleasant, to feel oneself there, now , among the flower movements, of small tortoiseshells finely cut wings, shaken by the wind, by life. She is listening, watching. We first met nearly a year ago on the South Down way, last summer. I remember our first letters. To read them elated us whatever the subjects, our current energies, our creativity keeping us busy, our looks either light or serious . And this morning I am thinking that energies found in a letter one has received are similar to those of writing , of friendship. They are both linked and free. Free to write when we feel like doing it , to imagine ourselves working or strolling, meeting each other again , a presence, words. Write to me soon éric, Edith. Knowle, 29 juillet Cher ami, En septembre nous allons nous retrouver, pour un second voyage d’automne. Nous parlions en effet de retourner à Storrington, une belle idée, oui. Refaire le chemin des South Downs, vers Amberley, Houghton et la vallée de l’Arun, croiser ses oiseaux, ses papillons, accueillir l’automne et ses lumières, ses couleurs, le soleil sur la mer au loin et les collines, ses énergies à relire des ressentis de l’année, des chemins et introspections, faire vibrer en soi cette saison d’équilibre, d’une nature qui se pose peu à peu. Edith venait d’arriver à bicyclette à Knowle comme au 07 juillet, pour revoir les orchidées et les roses sauvages au bord des haies, le bleu des myosotis dans les marais. Elle avait amené des shortbreads pour remercier une voisine des lieux qui lui avait offert un nénuphar blanc à l’étang de Packwood House. Elle ressentait un subtil mélange de spontanéité et d’exaltation à s’asseoir et écrire, avec la simplicité, l’aisance et l’habileté habituelle de ses lettres. Ce matin, avec les parfums du champ du blé, il y avait les fines touches de rouge coquelicot glissées comme des mots entre les feuilles vertes des céréales. Un vent léger faisait onduler les vesces, les pages d’un carnet tournaient, pensaient. Est-ce-que Edith pensait au rouge orangé du tarier pâtre entre les feuilles d’une aubépine du coteau calcaire ? Aux confidences amicales des premières correspondances échangées ? À la simplicité de partager ? Oui, elle esquissait des phrases, vite, les pieds ancrés sur le sol. Le sol était si agréable pour se sentir, là, au présent ; entre les mouvements de fleurs, de vanesses aux ailes finement découpées, agitées par le vent, par la vie. Elle écoute, observe. Nous nous sommes rencontrés il y a bientôt un an, sur ce chemin des South Downs, l’été dernier. Je me souviens de nos premières correspondances. Les lire allait nous exalter, quelques soient les sujets, nos énergies du moment, nos occupations à créer, nos regards légers ou sérieux. Et ce matin, je me dis que les énergies qu’il y a dans une lettre reçue sont les mêmes que celles d’écrire, celles de l’amitié. Elles sont à la fois en liens et libres. Libres d’écrire, quand nous le pressentons, à nous imaginer en train de travailler ou flâner, à retrouver l’autre, une présence, des mots. Écris moi vite éric, Edith. Solilhull, 22 juillet Mon cher éric, De ces immensités sculptées par le vent, je relis mes notes d’un précédent voyage d’hiver, de marches depuis les méandres de la Cuckmere jusqu’au falaises de craie des Seven Sisters et Birling Gap. J’y ai observé à plusieurs reprises, entre brumes basses ou sous un ciel bleu pâle d’hiver, le Hibou des marais. Il est je crois l’un de mes oiseaux préférés. Et toi, le tien ? Des bises et le vent, Edith Le Cran aux oeufs, le 22 juillet Ma bien chère amie, Quel ange tu fais à m’envoyer tes regards sur les peintures, ils me sont excellents. J’ai maintenant l’impression de ne pas m’arrêter, de relire les premières notes du carnet bleu, j’y retrouve les premières profondeurs des pensées, de l’eau qui perle et alimente, nos notes sur le chemin. J’accueille tes mots avec grande estime. Les ambiances que tu décris entre les méandres de la Cuckmere et les falaises des Seven Sisters invitent à y retourner…Comme je te comprends pour le Hibou. À ta question de l’oiseau, l’un de mes oiseaux préférés est peut-être le Rougegorge, ou le Vanneau aussi. À moins qu’il ne s’agisse de la Chouette hulotte. Vient la Perdrix grise, elle m’évoque le coteau calcaire et ses pentes à orchidées – je pense à l’Ophrys abeille que tu as délicatement peinte en ce début de juillet -. La Perdrix est aussi l’oiseau des champs d’orges et de blés, de ces longues soirées d’été. Le soir tombe entre les parfums du gros tilleul au coin du bois et ceux des orges, savamment mélangés par le vent. Un Hibou moyen-duc lance ses notes profondes. Les chemins sont encore marqués de la longue journée de travail des paysans. Des moutons sont revenus pour cinq à six semaines dans la pâture aux épiniers après le champ de blé. Les perdrix aiment y aller, il a des flaques d’eau autour du bac à eau. Ah oui, tu sais, le gros tilleul, un paysan est intervenu afin qu’il ne soit coupé, c’est une si bonne nouvelle. Des bises et le vent, éric Solilhull, 16 juillet Chaque saison j’ai tout aussi hâte de revoir le martinet noir. Je relis la description qu’éric avait écrite « le bolide des toits et des ruelles, l’arc de cercle des courses folles et des planés légers. Les acrobaties aériennes, les courses poursuites et les cris stridents des martinets en groupe donnent un je ne sais quoi de gai et d’animé entre le ciel et les toits. » Vite, avec les pinceaux, je prépare pour l’oiseau des bruns noir couleur fusain, des gris silex, des reflets blanchâtres ; comme les couleurs du merle noir sur son nid aujourd’hui, des ailes des vulcains, en ce mois de juillet, des inflorescences du rubanier d’eau au bord de la Blythe à Temple Basall. Chaque saison, je passe du temps à les observer., comme les soirs venus, où les jeunes de l’an dernier et les adultes qui ne sont pas au nid, montent et disparaissent dans le ciel. Ils y passent la nuit. Dorment-ils donc ? Dormir là-haut, par une chaude soirée d’été… Les acrobaties reprennent demain matin. Dans quelques jours vient le départ de beaucoup d’entre eux, la migration. Edith. Great Bookham, Polesden Lacy, 02 août Chère Edith, Les Bruyères, les Canches et les Pins de ton illustration page 108 montrent à merveille la lande écossaise, les Gélinottes. Le parfum est là. Oh oui nos premières correspondances, les satisfactions et les énergies qu’elles allaient partager. Je me sers un thé, regarde des premières lueurs du jour par la fenêtre, et mes pensées se sont posées avec les linottes et le bruant jaune dans l’aubépine. Les oiseaux mélodieux y étaient posés, avant notre rencontre sur le chemin aux papillons. Et les fleurs d’été et leurs parfums subtils. Oui libres. Libres d’écrire. Et nos lettres se sont emplies de mots, près du bouquet de feuilles de saule et d’astrances sur la table à écrire, lorsque le soleil pose des teintes de roses sur les arbres de la lisière en forêt. Nos couleurs se sont soufflés d’ écrire, de recevoir, d’ apprendre, de s’émouvoir. Je suis allé lire tes mots entre les feuillages des blés, ai trouvé ceux des vesces et de la campanule de ton agenda de juillet. Nous reverrons les oiseaux à notre second voyage. Ils seront sur le même arbre, perchés, énergiques et mélodieux, agités d’aller et retour entre les graines des lampsanes et d’épilobes et les rameaux du grand arbuste. Je l’imagine en automne, et l’hiver, puis vient le printemps, voilà l’été. Oh comme les lettres aiment parler de ces mouvements de la vie, de ces intensités, de ces variabilités aussi. Je pense – et tu le devines déjà- , à cette amie dont les mots t’ont laissée perplexe, attristée, décidée aussi. Si elle juge que tu ne brilles pas assez pour elle, alors il y a ce chemin dont tu parles. Je nous imagine revisiter ensuite de nos longues conversations cette année. Avec toi Edith on parle d’amitié, d’art, de beauté, de couleurs. Je me souviens, tu m’avais demandé si j’aimais peindre. Ensemble, nous sommes qui nous sommes. Qu’en penses-tu, nous pourrions nous retrouver le 28 septembre. J’ai pensé aux jardins de Nymans. Les Eucryphias parfumés seront encore en fleurs, avec les bruyères du wild garden. Ou préfères-tu que je vienne te chercher à Solilhull ? Des bises aux roses jaunes et au hibou, éric Kilmalhog, 02 septembre Quelle exaltation éric à recevoir nos lettres, les ouvrir. Les mots, les saisons. Nos couleurs, oui, se sont soufflées d’ écrire, de recevoir, d’ apprendre, de s’émouvoir. L’Écosse continue à m’émerveiller, de couleurs en lacs. Les grandes étendues d’herbes et de bruyères me font penser à tes marches le long de la mer. Des saisons dont tu parles, je nous propose d’ écrire un texte à deux au sujet de l’automne des oiseaux, de nos observations, et en effet de ces souffles et mouvements de vie. L’automne des oiseaux entre août et novembre, l’automne de nos anniversaires. Que de mouvements durant ces mois, avant la pause hivernale dès novembre, j’en compte quatre vois-tu : les derniers nids, le départ des visiteurs d’été, la migration des oiseaux du nord et de l’est, et la venue des premiers arrivants de l’hiver. Voici les deux premiers mouvements. Les derniers nids : le merle noir observé ce 16 juillet sur son nid devait être à sa troisième couvée. Et des quatrièmes pontes sont bien souvent observées. Jusqu’à l’entrée de l’automne, certains oiseaux s’occupent des derniers nids. J’ai trouvé des étourneaux sansonnets affairés au nid en août, des petits moineaux domestiques en septembre. Des pigeons ramiers sont au nid en septembre pendant que passent les premières migrations. La chouette effraie commence entre été et automne une deuxième nichée si une saison favorable et une nourriture suffisante le permettent. Avec ce temps parfait et chaud ce mois de septembre, le chardonneret, dessiné sur son chardon, a pu très bien pondre une troisième fois dans son superbe nid. Ces couvées tardives sont parfois aussi des pontes de remplacement d’une nichée détruite, à espérer que ces efforts ne soient pas réduits par une météo défavorable. Le départ des visiteurs d’été : il est toujours plus aisé, au printemps, de voir l’arrivée des visiteurs estivaux, de se réjouir des chants du rossignol philomèle, de la fauvette à tête noire, du coucou gris, de mes premières hirondelles ce 14 avril quand sont en fleurs les prunelliers et les orchis mâles. Le 20 avril, dans le voisinage, j’ai entendu le pouillot véloce pour la première fois, et le tarier pâtre dans les marais. Mais en automne, leurs départs sont si discrets, inaperçus. Nous les voyons parfois, les entendons encore un peu. Puis, les voilà partis, un beau matin, ou en pleine nuit. L’an dernier en fin septembre, les martinets noirs avaient tous disparus, et depuis quelques jours je n’avais pas vu d’hirondelles de fenêtre. Il y avait encore quelques hirondelles rustiques, mais un grand nombre d’entre-elles était parti vers le sud. Vais-je revoir à la mi-octobre le pouillot véloce, à sautiller dans les groseilliers à maquereaux ? Il est bien souvent le dernier à nous quitter, et est habituellement le premier à arriver. Chez le merle noir, et la grive musicienne, comme ceux des champs d’Elmdon Lane, sont-ils des migrateurs, des sédentaires ? J’aime octobre et novembre pour leurs grandes volées d’étourneaux, de moineaux et de fringilles dans les chaumes, vite rejoints par les premières migratrices, les grives mauvis et litornes, et bientôt les bécassines à que j’aime aller voir à Olton. Plus tard, quelle hâte, passeront les oies cendrées. Dis moi de toi, de tes lectures et écritures. À la joie de te lire, amitiés automnales et bises écossaises, Edith 6 septembre Chère Edith, Je regarde les cartes et les petites routes de l’Écosse que tu découvres à vélo, entre Callender et le Lake of Menteith ; et t’ imagine sous la pluie, à observer la bécassine, le courlis et les étourneaux. Je lis ta joie de retourner bientôt, le 17, au Loch Venachar, je t’écris la mienne de partager ces mots ensemble. Des oies dont tu as la hâte des passages, j’entends celle de janvier dernier dans les près salés. Sous des ciels de silence où tout semble parti, avec les parfums et les couleurs, il y avait à écouter, après le calme, entre les allées de saules et de peupliers, les vols puissants et amples des oies, les gris cendrés et les bruns noirs des ailes. Elles m’ont donné l’idée de sculpter un oiseau, une oie cendrée, oui, d’un mètre soixante d’envergure, dans l’air pâle, ténu, mais empli de vie, de force. Le guide de Ferguson précise 18 plumes de la queue, 11 rémiges primaires. J’ai si hâte de peindre ces gris, ces orangés, son œil. Et cet oiseau venu de si loin, des heures durant, traverse les paysages, survole les forêts, longe d’immenses étendues de plaine. Puis j’entends les oies du ciel de mon enfance. Il semble plutôt bas ce matin de novembre des vacances scolaires, il fait à peine clair encore. Quelle joie ! Pas d’école, de toute façon je ne sais y trouver ma place, à ne pas y être compris. J’ai toujours aimé parti tôt, marcher avec le lever du jour. Le vent léger et bien froid déjà souffle de nord- est, de la plaine. Si le vent vient du nord -est disent les anciens, et Alfred en parlait hier encore, les Oies pourraient passer. Quel émerveillement ! Des oies ! Vraiment ? Et ce matin là, les dernières feuilles des hêtres et des noisetiers volettent. Je m’amuse à calculer le temps qu’elles mettent à danser jusqu’au sol encore sombre, me dit qu’elles seraient belles dans un herbier aux pages de papier gris, mais elles me parlent tout bas et préfèrent rester au pied de l’arbre, avec les parfums des thuyas, des cyprès et des genévriers du jardin des moniales. Je décide la suite de mon chemin en suivant la longue haie sur le côté du monastère, au plus court vers les hauteurs, sans prendre par le grand tilleul finalement. Et si les oies arrivaient maintenant ? Ce seraient ces cris merveilleux et des coups d’ailes à tendre les oreilles dans le calme de la fin de nuit. À moins que ce soit plus tard ? Remarque, au moins, de jour, je les verrais avec mes petites lunettes d’approche. À la joie de les attendre s’ajoute l’odeur, après la nuit, de la terre fraîche du grand champ carré, ses jeunes semis de blé d’hiver. Les oies vont-elles reconnaître le paysage ? Vont-elles me voir ? J’attends. Et la lune entre des nuages. À penser à tout et à rien. Comment peuvent-elles me voir ? Et je sais qu’elles ont aussi tant à faire aujourd’hui. Me vient l’idée de leur faire signe. Je me prépare, je sens qu’elles vont venir. Des notes au loin, subtiles, puis marquées, et un grand V, ce vent léger venu de l’est. Et des frissons magiques pendant une minute. Dix, vingt, trente, quarante, cinquante, soixante secondes, la minute dure longtemps et à la fois s’en va bien vite après les bois. Je n’ai pas su si elles avaient vu mes mains tendues. J’ai su plus tard qu’elles allaient vers la mer. Ce sont elles qui m’y ont invité, à marée basse, à marée haute. Et voici, chère Edith, les deux autres mouvements. La migration des oiseaux du nord et de l’est : après des moments de vie avec les oies, puis avec les ascendances thermiques des buses la journée venue, viennent les charmes des passages, lors des matins d’automne, des bandes de pinsons et linottes, des ramiers, des étourneaux, des éperviers solitaires, ou des vanneaux en groupes bavards tout là-haut, de longues heures durant. Et la nuit les fauvettes ou les rouge-gorges passent, par centaines, ces vies. L’arrivée des premiers hivernants : à songer à tes paysages britanniques, par la fenêtre entre-ouverte ici, je relis mes notes d’oiseaux en séjour ou erratiques, dans les paysages d’hiver entre Artois et Boulonnais. Entre bocage et pâtures, je lis les grives litornes et mauvis, la buse pattue, les linottes et pinsons, les buses variables, l’émerillon, le hibou des marais. La forêt et sa lisière accueillent les pinsons du nord, la bécasse des bois, le faucon hobereau, l’autour des palombes. Au bord de la rivière ce sont les bécassines, les guignettes et cul-blancs, le tarin des aulnes, le chevalier sylvain, le petit gravelot. Le long des champs se posent ou passent les vanneaux et pluviers dorés, les étourneaux et pluviers argentés, goélands marins, argentés et cendrés, le busard Saint-Martin, le merle à plastron. Sur le littoral et ses marais, il y a, venus de voyages là-aussi, le butor étoilé, les courlis cendrés, le tourne-pierre à collier, les aigrettes, les barges à queue noire et barges rousses, les bécasseaux sanderling, les canards et sarcelles, les fuligules, la bergeronnette de Yarell venue d’Angleterre. Les rouges-gorges chantent, le jour se lève. À l’instant je relis des chroniques horticoles de Vita Sackville-West. Ses éloges des rosiers, des cyclamens ou du raisin, ainsi que son art de décrire le jardin, sont délicieux. Quel temps fait-il chez toi ? Je prépare un thé bien chaud. Et toi ? Quelle joie de t’écrire. Des bises aux couleurs de septembre, et les Alouettes. éric Hawkhurst, le 06 novembre J’aime ce délicieux mois de novembre, il reste encore quelques feuilles sur des arbres, des Saules, des Hêtres, des Peupliers, et déjà leurs silhouettes se dessinent. La nature se pose, avec ses beautés, ses projets pour le printemps. Et tout le temps d’y penser. Des mots ont du se poser sur le sol en forêt, le long des troncs couverts de lichens, sur les vieux fruits pour les Merles, ou les fleurs des Viornes d’hiver. Qu’ont-ils à se chuchoter… Le temps de la créativité. Des Grives mauvis passent dans le ciel, la nuit, le jour, des lumières et le vent. éric Clairmarais, le 04 mars et si l’écriture venait des empreintes d’oiseaux… Ciel froid février Les manteaux terre de Sienne Picorent et s’envolent Ma bien chère Edith, ton joli couple de Bouvreuils pivoine ce 23 janvier, nos Pinsons du nord en forêt dès novembre, et février m’a fait penser aux Linottes sur la colline de Storrington. abritées dans les herbes sèches les Linottes mélodieuses se savent confondues couleur de terre il y a des graines de renouées et marguerites les oiseaux s’activent et déjà pensent à s’envoler dans le ciel des bandes ondulées et blanches une aurore froide de février ne peut s’imaginer qu’avec ses bandes de Linottes quelques Pinsons des Chardonnerets des notes des roulades des cliquetis des trilles que se demandent les oiseaux se dit-elle notre orchestre ce matin semble joyeux inventif et libre on s’envole encore on se perche sur les genévriers des pentes abritées du coteau calcaire quelques contrepoints et flûtés même si c’est février les élégants et les mélodieuses viennent de partir vers la rivière en bas il était temps d’aller boire de l’eau sous les aulnes et se posent les empreintes de petits doigts d’oiseaux sur le limon une œuvre comme les prémices d’une écriture comme un enfant trace les lignes de son prénom gravé dans la roche meuble éphémère je les imagine ensuite repartir dans les branches ces mots des sons des cliquetis ces silhouettes presque éclipsées parmi les fruits secs des aulnes je viens de passer une heure avec les oiseaux assise contre ce tronc mes mains cherchent le chaud vais continuer ma journée restera dix heures puis midi cette après-midi et le soir viendra le printemps choisir un jardin et son lilas ou une lande et ses bruyères un talus accueille un sureau ou ce coteau un buisson pour le nid chaud et méticuleux viendra ce soir la bande de soixante Linottes serrées ensemble dans les rameaux contre le tronc à l’abri du vent du nord-est ce sera une journée réussie éric
Une nouvelle, des sculptures | a short story, some sculptures Nocturnes est dédiée à l’oiseau, à la nuit, à la migration, aux sons et chants. Autour de ces mots, et d’observations et écoutes de l’aube ou du crépuscule, m’est apparu le choix de Chouettes et Hiboux et chanteurs de nuit, de voyageurs nocturnes, de chanteurs matinaux. Nocturnes, ce sont environ trente-cinq sculptures. Les Chouettes et Hiboux : l’Effraie, le Hibou des marais, le Hibou moyen-duc, le Grand-duc d’Europe, la Chouette hulotte, la Chouette lapone, la Chevêchette, la Chevêche, la petite Nyctale, … Le Puffin des Anglais, l’Océanite tempête, le Butor étoilé, le Blongios nain, le Cygne sauvage, l’Oie cendrée, la Sarcelle d’hiver, le Faisan de Colchide, la Caille des blés, le Râle des genêts, la Marouette ponctuée, la Grue cendrée, le Vanneau huppé, le Courlis cendré, la Barge à queue noire, les Chevaliers gambette et aboyeur, la Bécasse des bois, la Bécassine des marais, l’Engoulevent bois-pourri, la Huppe fasciée, l’Alouette des champs, l’Hirondelle rustique, le Rossignol philomèle, le Rougegorge familier, le Rougequeue noir, le Traquet motteux, le Merle noir, la Grive musicienne, l’Hypolaïs ictérine, la Fauvette grisette, le Loriot d’Europe, … Nocturnes is dedicated to birds, to the night, to migration, sounds and songs. Around all these words, and observations and listenning from dawn to sunset, has come to my mind the choice of Owls and night singers, night travellers, early birds. Nocturnes, there will be about thirty five sculptures. Owls : the barn Owl, the short-eared Owl, the long-eared Owl, the eurasian Eagle-Owl, the tawny Owl, the great grey Owl, the eurasian Pygmy Owl, the little Owl, the northern Saw-whet Owl, … The Manx Shearwater, the Storm Petrel, the Bittern, the little Bittern, the wooper Swan, the greylag Gooose, the Eurasian Teal, the Pheasant, the Quail, the Corn Crake, the spotted Crake, the common Crane, the northern Lapwing, the eurasian Curlew, the Black-tailed Godwit, the Redskank, the common Greenshank, the Woodcock, the common Snipe, the Eastern Whip-poor-will, the Eurasian Hoopoe, the Skylark, the barn Swallow, the common Nightingale, the Robin, the black Redstart, the northern Wheatear, the Blackbird, the Icterine Warbler, the common Whitethroat, the European Golden Oriole,… Nocturnes, c’est également une nouvelle : lors d’une nuit d’avril, près de la lisière d’une forêt du Sussex, de 21 h à 8 h, une narratrice songe à la migration des oiseaux, aux joies et sensations, aux sons et silences; à l’impermanence de la pensée, l’art et la beauté. « Adossée au grand Hêtre, les mains posées sur son tronc lisse et sculpté dans le temps, d’où ses branches vont vers le ciel, j’écoute. Attente. Quelle joie ici ! Au petit matin j’irai retrouver les violettes parfumées. » Nocturnes is also a short story : on an April night, near the edge of a Sussex forest, from 9 to 8 am, an English narrator thinks about the migration of birds, the joys and sensations, the sounds and silences; the impermanence of thought, art and beauty. Je dédicace cette exposition à Edith Holden. I dedicate this exhibition to Edith Holden. « June 8. I saw an Owl tonight, flying across the garden at the back of St. Bernard’s Road […] at Olton » Edith, 1906. Et pour les enfants : des illustrations de plumes et d’arbres, des cartes de nuit, des mots et leurs notes, des palimpsestes et des couleurs, des croquis et des calques, des oiseaux et des arbres; et le scénario du carnet. And for children : drawings of feathers and trees, nighttime maps, words and theirs notes, palimpsestes and colors, sketches and tracing paper, birds and trees, and the notebook’s script common pheasant, common greenshank, common snipe, short-eared owl, eastern whip-poor-will, common swift, eurasian hoopoe, barn swallow, nightingale, northern wheatear, blackbird and song thrush | faisan de colchide, chevalier aboyeur, bécassine des marais, hibou des marais, engoulevent bois -pourri, martinet noir, huppe fasciée, hirondelle rustique, rossignol philomèle, traquet motteux, merle noir et grive musicienne. the short-eared owl | le hibou des maraisI see the wide, bright, appealing sea. The unceasing waves, a book opens, recloses, the pages fly.| Je vois la mer, vaste, lumineuse, attirante. Les vagues ininterrompues, un livre s’ouvre, se referme, les pages volent. the common pheasant | le faisan de colchide From woodlands to pastures the undulating driveway leads to Scotney Gardens…| Entre boisements et pâtures, l’allée vallonnée conduit aux jardins de Scotney… the woodcock & the common snipe | la bécasse des bois & la bécassine des marais Painting the Woodcock made me think of the Preraphaelite paintings in which from a white background, the ochers and creams, the reddish browns and the sienna colours, very little diluted, rise to an intended matt color rendering as in the plank…| Voilà la Bécasse au printemps, avec ses œufs, quatre bien souvent ; voilà la clairière comme elle l’aime, la lisière ou le jeune taillis, pour s’envoler avec aisance. the common snipe | la bécassine des marais With its particulary long and sensitive beak, the Snipe searches, in a jerky fashion as if knitting mud and shallow waters…| Avec son bec particulièrement long et sensible, la Bécassine explore de façon saccadée et presque tricotée la vase et l’eau peu profonde. the common greenshank, the eagle owl, the common quail, the black bird | le chevalier aboyeur, le grand-duc d’europe, la caille des blés, le merle noir, Hawkhurst, Tunbridge Wells, 12 th January 2019 roches ancêtres affût ce matin lever du jour sur la mer éric Là-haut des dentelles, des silhouettes, le vent, novembre souffle les dernières feuilles, une Bécasse des bois vient de passer au ras des ronces, le soir tombe, une Chouette hulotte chante à nouveau depuis quelques jours… 28 th November, 17:45 les hêtres, la chouette hulotte et la bécasse des bois, the beechtrees, the tawny owl and the woodcock, des arbres et des oiseaux Au petit matin j’irai retrouver les Violettes parfumées.. « Je connais peu d’oiseaux qui chantent d’un bout de la nuit à l’autre, dit la Chouette. Comme dans le jour où les chants diminuent d’intensité vers midi, le milieu de la nuit, vers deux heures du matin, est bien plus silencieux » Il était vingt-deux heures en ce début d’avril, et sur les hauteurs de la forêt, non loin de la lisère aux Tilleuls – là où allait chanter dans quelques jours l’Engoulevent – la Hulotte et le Rossignol venaient d’arriver. D’habitude, on chantait ici pour affirmer sa présence, attirer une compagne ; mais ce soir un peu de légèretés… Les deux oiseaux échangeaient sur les sons et couleurs. « Combien d’oiseaux sont passés dans le ciel ces derniers jours ? se demande le Rossignol, c’est la migration de retour, du sud vers le nord. » Il songe aux oiseaux qui voyagent en groupe, lors des nuits éclairées et étoilées. Alors que la vue ne suffit pas, il faut s’écouter, émettre des cris de contacts, comme ceux des Grives mauvis et leurs « tssiiii » aigus. Il a croisé les Grives maintes fois dans le ciel de nuit. Que d’étoiles observées, de vallées traversées, d’arbres reconnus. Est-ce que d’autres voyageurs sont arrivés ? Oui, ils ont fait la route de nuit répond la Chouette. Ainsi, la Bécasse des bois et la Fauvette grisette chantent depuis peu, entre Ronces et Fougères, dès l’aube. La discussion continue, et les deux compères admirent les couleurs entre les feuillages et le ciel, des bleus indigos, des outremers et des azurs. Ici se devinent les voyages des Vanneaux, l’arrivée des Fauvettes, les cols et les fleuves. Un livre est ouvert, et ses pages sont le ciel et l’arbre, l’arbre ami de l’oiseau revenu… Le Noisetier, ravi du retour de son Rossignol, se pose la question de pourquoi les oiseaux chantent. Beaucoup d’oiseaux virtuoses ont des plumages discrets, ce sont des Grives, des Alouettes et des Merles. Le chant a deux fonctions : attirer un partenaire et affirmer un territoire. Créer un territoire pour avoir de la nourriture, élever la nichée, empêcher tout intrus. Et les chants suivent des calendriers et des horloges, et accompagnent la vie de l’oiseau. La Chouette entend une voix délicate…. Elle semble nous écouter se dit-elle… « Quelle joie ici ! Au petit matin j’irai retrouver les Violettes parfumées. Elles sont le long du bois, broderies de feuilles ovales et de fleurs délicates; et l’Églantine que j’aime tant, comme l’aimait Edith » dit la narratrice, adossée au grand Hêtre, les mains posées sur son tronc lisse et sculpté dans le temps, d’où ses branches vont vers le ciel. Et la nuit étoilée. Elle écoute le silence. Attente.. « C’est aux oiseaux que je pense, aux nécessités et mystères de la vie, se dit la narratrice. Ils me laissent à l’esprit ces altitudes et vitesses de vol, des déplacements en reconnaissant la mer, en suivant les étoiles. » Il était maintenant deux heures du matin, je m’étais avancée vers la lisière sud-est de ma petite forêt, et blottie contre le tronc d’un Noisetier, je décidais de m’assoupir davantage. Combien d’oiseaux vont passer cette nuit vers le nord, sans même faire de bruit ? Pourraient-ils se raconter, ici ou ailleurs, des dates et des routes dans le ciel, des forêts et des mers, les étoiles ; et au bout du voyage l’arbre, l’ami, le confident ? Oui, c’est à peu près de cela que la Merlette et le Chevalier se mirent à parler, plus loin dans les prairies humides : des grandes questions sur la migration. Je lui demandai s’il avait fait belle route ce cher Chevalier, en traversant la Manche vers l’Angleterre et vers notre marais du Sussex, depuis la baie de Somme en France ; et s’il avait croisé des premières Hirondelles, encore absentes ici. En effet les différences de dates d’arrivées de migration sont marquées chez beaucoup d’oiseaux : si les premières Hirondelles sont là début mars dans les Pyrénées, elles n’arriveront qu’en mi-avril en Écosse. Elles suivent le printemps et la nourriture disponible. Et si les premiers Coucous du sud ouest de la France sont revenus à la mi-mars, ceux de la montagne n’arriveront qu’en fin avril, ou ici dans le Sussex début avril. Nous avions ensuite parlé de l’orientation de routes de migration. La plupart des oiseaux d’Europe suivent une orientation sud-ouest / nord-est, mais les directions peuvent être un peu différentes en fonction de la météo et de la géographie, comme pour traverser la Manche. Et quelques oiseaux, comme le Loriot, suivent un axe sud-est / nord- ouest. Le Chevalier me demanda si nous les Merles suivions des voies de migrations larges ou étroites. Je lui répondis que la majorité des oiseaux, comme les Merles, prenions des couloirs larges, depuis les côtes atlantiques jusqu’à l’est de l’Europe, mais en évitant des zones trop en altitude, en suivant parfois de larges vallées. Et tout de même assez rares sont les oiseaux qui suivent un front étroit, comme la Grue. Et qu’en est-il de prendre le chemin le plus court ou de suivre le trait du littoral ? La majorité des oiseaux volent droit devant, qu’importe le paysage survolé. Certains oiseaux marins, comme les Sternes ou les Macreuses, suivent le trait du littoral même si le chemin est plus long, avec le besoin de s’y poser, de s’y nourrir, et de suivre leur habitat favori : la mer. Les Rapaces, les Cigognes et les grands voiliers, ne traversent pas la mer où les courants ascendants chauds du dessus des terres ne sont pas présents. Ils s’en servent pour voler et voyager. Et les vitesses et altitudes de vol ? La vitesse de migration peut suivre à peu près celle du vol ordinaire de l’oiseau, et la plupart des migrateurs suivent une croisière de 30 à 40 km/h pour les petits passereaux, et jusqu’à 65 à plus de 85 km/h pour les Canards comme les Sarcelles. L’altitude, quant à elle, est très variable, de nuit comme de jour. Beaucoup de petits oiseaux volent près du sol ou de la mer : de quelques mètres à plus de 100 m de haut. Cela dépend beaucoup de la météo. Et leurs vols nocturnes sont souvent plus hauts. De nombreux oiseaux vont voler entre 1 000 et 2 000 m, comme les Pigeons, les Étourneaux ou les Vanneaux. Et de grands records sont atteints par de grands Rapaces, des Barges et des Courlis, jusqu’à 6 000 m. La durée quotidienne du vol est de 6 à 8 h par jour, et va dépendre de la météo, du vent, et de vols sans escale ou non, comme celui de traverser une mer. Il reste ensuite à s’imaginer le temps que mettra le Traquet motteux pour rejoindre l’Islande…en venant d’Afrique du sud.. Et, la Barge rousse, en 2020, a établi un nouveau record de vol entre l’Alaska et la Nouvelle-Zélande. Selon des scientifiques, un oiseau a parcouru plus de 12 000 km en 11 jours sans escale ! D’hypothèses en dialogues, d’histoire dans les histoires, la Merlette m’expliqua que des oiseaux apprennent les routes de migration en suivant les aînés…et il aura bien fallu un jour qu’un parte le premier.. Quant aux jeunes Coucous, ils partent seuls pour la première fois vers le sud, et savent où s’arrêter en fin de voyage. Et les oiseaux savent repérer des reliefs, des fleuves, une maison, des arbres… Ah la belle étoile, pensions nous ensuite… Les migrateurs nocturnes s’orientent en suivant les mouvements des étoiles. Et cette connaissance n’est pas forcément héréditaire, mais un apprentissage au fil de la vie de l’oiseau, et depuis qu’il est oisillon. De nuit, comme de jour, un vent violent va gêner ou interrompre les migrateurs. Un ciel bien dégagé, ou avec quelques nuages sera parfait pour voyager. Et si la pluie ou le brouillard viennent à tomber, les oiseaux se posent. La narratrice demanda aux deux oiseaux, la Merlette et le Chevalier, au fait, quand et pourquoi décidez-vous de partir ? Quel mystère que la vie des voyageurs de nuit… « Orion, le sablier d’hiver, brille encore, vers l’horizon où ma planète Vénus va bientôt se coucher. » Le Merle lève-tôt éprouva la joie de parler, en ce petit matin, avec l’Alouette. N’avait-il pas entendu ses longues trilles joyeuses de deux à trois minutes qui emmènent des phrases superbes à plus de 100 mètres de haut, alors que le jour pointe à peine ? Les oiseaux bien souvent ne chantent pas dès qu’ils sont éveillés. Ils s’étirent d’abord, lissent leurs plumes, et rejoignent un endroit pour chanter. Dans les milieux où il vit, à peu près partout, le Merle noir est souvent le premier à chanter, à accompagner le silence de l’aube, et commence bien avant le lever du soleil. Il offre alors ses notes pures, amples, flûtées, cristallines. Dans les champs, ce seront l’Alouette et les Perdrix. Il fait encore noir. Alouette et Merle sont suivis par le Rougegorge, la Grive musicienne, le Pigeon colombin, la Tourterelle des bois, le Faisan. Et la Poule dans la cour de la ferme. C’est ainsi une véritable horloge des chants au petit matin qui peut être écrite. « Que me diront les Violettes au lever du jour ? Si souvent quand nous nous parlons, elle me présentent des mots : colorée, beauté, parfum. Les opales de la Manche sont colorées ; un regard d’enfant coloré; les rectrices du Hibou ; la Lune ; et le chant du Merle est coloré. » dit la narratrice. éric, Extraits de Nocturnes
Un essai | an essay. Mary et Camilla, amies complices de longue date, échangent autour de l’amitié, de la joie des lettres et des livres, de leurs passions, du style d’écriture de Camilla, l’acte d’écrire. Voici la lettre commençant mon essai, la première partie, à Exeter. éric. « Exeter, le dimanche 24 mai, Ma bien chère Camilla, comme j’aime te lire douce, joyeuse, si féminine, gracile, délicieusement badine, libre. J’ai aimé chercher les mots de la couleur entre les pétales délicats des Pensées, notre sens du rire et du temps partagé. Et tes plantes en pots et au jardin, parfumées, harmonieuses, intimes entre-elles, t’offrent le temps de les observer. Je les imagine devant ton entrée, lumineuses, amusées presque. À la chaleur des mots de ta lettre, je te vois dans ces lectures, tes écritures, des recherches d’émotions. Et les phrases sont-elles alors des tissages, des motifs de fleurs ? Tes roses moussues ici s’apprêtent à fleurir, de ces roses lilacées à rouge cerise. La taille que nous avions faite et que tu avais conseillé, l’été dernier, au tiers des branches, leur a été fructueuse. À l’instant de t’écrire, la Grive chante ses motifs mélodieux. Ils résonnent sur les grands troncs. Elle doit penser aux arbres, au vent ; tu sais, le Peuplier au bout du jardin. Je me demande à quoi pense l’arbre. Ses racines. Les feuilles bercent le silence de nos mots. À quoi penses-tu ? Le ciel, ample, vient de la mer, d’un vent léger de sud-ouest. À l’image des collines boisées et douces du Weald où tu es, le printemps du Devon est apaisant. Je t’amènerai une photographie. Nos lettres traversent l’Angleterre. Elles se sont confiées nos joies d’ouvrir les enveloppes arrivées un matin alors que le soleil éclaire les fenêtres d’une douceur infinie. La fleur. Admirer l’instant. J’ai tant hâte de parler avec toi de couleurs, de l’eau, du vent, du silence. Douze jours ensemble ! Ta maison, le village, les jardins, l’estate. Le temps. C’est bien cela, le temps. Je revois, oui, ma Camilla, des partages et le mystère de notre rencontre amicale, deux enfants, là, et la cour d’une nouvelle école, vaste, inquiétante je m’en souviens, à parler. Toi des plantes de la forêt, des jeux à la ferme, du foin aux moutons ; et moi des notes sur le piano, de Franz Schubert, des pièces de théâtre. Aimerais-tu devenir ornithologue ? Oui, avions-nous répondu ! L’intensité des regards j’imagine, un équilibre sans le savoir, nos onze ans ; et, je te comprends, l’idée pressentie, indistincte, timide, de complicités à venir. Et la joie que toutes ces possibilités allaient amener de réconfortant et de plaisant, avoir une amie. Et depuis, seules ou à deux, nous pensons, partageons, vivons. Et nos métiers, leurs sens profonds, passionnées. Quelle joie d’être soulevées, portées, inspirées par nos pensées si proches, ou parfois pas tout à fait. Nous ne sommes pas certaines que nous sachons toujours penser seules, oui. As-tu remarqué que nos lettres arrivent bien souvent au bon moment, où une sorte de solitude nous entoure, ou une même créativité nous exalte. Et, – je nous entends sourire – nos confiances naturelles se retrouvent en ces curieuses synchronicités. Oh, un livre et la couverture de laine, des esquisses sur nos tables à dessin, une ganache pour un gâteau. Toi aussi ? Je suis si heureuse de ton très bon résultat au semi-marathon ! Quelle vivacité tu as! Et, en effet, mes séances de kayak le long de l’Exe et en mer sont géniales. Quel décor ! L’eau siffle, je prépare le thé, ton thé préféré du Yorkshire avec les moutons sur la boîte en carton et cette personne assise sur le banc. Les yeux dans le vague, j’écoute, je souris de la surprise pour toi. Une carte postale de saison s’embellit d’un mot et se glisse avec la surprise dans le papier aux fougères découvert au magasin de Michelle. Ce cadeau ira bien – je pense – avec la couleur de tes yeux, de tes cheveux. Toutes les deux étaient mercredi à quelques pas dans les boutiques de la Grande Rue. Il y avait du monde, les gens étaient affairés, rieurs, flâneurs, et que sais-je encore ; pensées vers toi, observer, intarissablement, poliment ; imaginer, comprendre. Et l’esprit vif virevolte et se pose entre les lignes. Ne serions-nous pas emplies de ces joyeuses et similaires énergies à recevoir ou à écrire une lettre ? Cette même gaieté à converser sur tes thèmes d’écritures, et notre liberté d’écrire. À la fenêtre de l’atelier, les bras serrés contre moi, une main sur l’épaule, l’autre main et la chaleur de la tasse, j’accueille avec douceur ces moments d’être en soi, et les frissons et chuchotements sur ma peau. Des couleurs attirantes vibrent dehors. Une famille longe la ruelle vers les Ifs et la Cathédrale, j’entends les chiffres égrainer des pas sur les grands et petits pavés de l’entrée, et les deux enfants jouent avec une baguette magique peinte de blanc. Je ressens de la bonté dans les gestes, et leurs intonations rayonnantes sentent le printemps. Ils ont remarqué ce trou dans le mur où poussent la Linaire cymbalaire. Ils s’éloignent. Une femme passe maintenant, seule. Et ses pas… Vers où partent ses regards dis-moi ? Elle sent la branche fleurie du Bois-Joli, – le Daphné ‘Somerset’ – est-elle plongée dans l’émerveillement, des impermanences, et les parfums mêlés de Jacinthe, de Jasmin ou d’agrumes de l’arbuste arrondi ? Son geste et chacun de ses pas me semblent comme des personnages, comme le sont ces lieux, les détails de la branche, une fougère, ces promeneurs d’Exeter dans la ruelle de l’ Ours, une goutte de joie, ou encore la Grive. Ils sont unités simples, des miroirs de nos pensées, elles-mêmes personnages imperceptibles mais présents, mobiles, qui écrivent le récit de notre monde. À moins qu’elle ne soit préoccupée à se demander si le besoin d’affection est approprié, à vivre certaines solitudes – j’imagine – assourdissantes. Les enfants, petits magiciens, jouent au loin. Les rires – comme savent le faire les lettres – font disparaître le doute. La voilà à sourire, à pencher le regard vers eux. C’est aussi peut être cela qui l’anime, simplement, oui, une mélancolie toute anglaise. Hier, l’inauguration du jardin de la Cathédrale s’est bien déroulée ! Dans mon discours et celui des élèves, de la technique pratique – tu me connais – et de l’effervescence. Les élèves, les enseignantes et moi-même avons été spontanés dans nos présentations. Le choix de nouvelles essences liées à l’histoire des lieux et aux propositions de l’école a séduit les habitants. Les enthousiasmes étaient dans les regards des visiteurs, posés sur les carrés de calque bougeant comme des feuilles au vent, sur leurs mots drôles et adorables des enfants. Puis ces liens entre les fleurs que j’ai choisi dans mon projet, et les sculptures de la cathédrale… Nous avons terminé, festifs, par un joyeux et entraînant « Happy Hedgehog » chanté par les petits, et de bien délicieuses pâtisseries. Quelle joie d’avoir été retenue, et de redessiner et d’aménager ce lieu vivant, un cadeau de mes 48 ans. Nouvelles émotions, bientôt avec toi, à Sissinghurst. Çà me convient oui, nous nous retrouverons ce samedi 30 à 10:00 devant l’accueil des jardins. Jeudi, je serai à Mottisfont pour ses roses anciennes et ses parfums. Je te prendrai ‘Reine des Violettes’ et ‘Tuscany’ en photo. Vendredi, la route vers Alfriston pour visiter la maison et les jardins. Je me surprends à chuchoter doucement Reine des Violettes, les mots d’hier des enfants, et ceux de nos lettres, les crépitements de la bougie. Avec le soleil vous éclairez la pièce. Je cueille quelques bruits des Peupliers d’Italie, et t’envoie ces moments du présent, ces mobiles de vie. Prends mille douceurs de toi chère fleur colorée. » Mary Sissinghurst, le 30 mai Le regard ! La lumière ! À l’infini et comme une immensité les gouttes d’eau se sont posées sur les feuilles des arbres et des haies, l’herbe des pâtures. Et les idées passent d’un reflet à un autre. Et d’images en images, de leurs traits fins et arrondis, elles offrent chacune des petites histoires dans les histoires, de subtiles mélanges d’hypothèses et d’équilibres, des idées. Des sources. C’est à cela près l’appréciation que s’était faite Camilla, enfant, dans les chemins qui traversent les grands bois pour aller nourrir les moutons. Elle savait de quoi les brebis se régalaient, puis à quel moment caresser l’épaisse toison crème, le tour des oreilles et les joues chaudes de cette petite centaine des têtes noires affairées de foin de luzerne ou d’herbes, d’un peu d’avoine et de betteraves fourragères. Quelle heureuse découverte ! S’y glisser et écouter, accroupie, les papotages du troupeau bien satisfait. En suivant les vallons ondulés des bois de Sissingurst, elle allait voir les jacinthes sauvages, des étendues de clochettes délicates en haut de tiges penchées. Elles jouaient avec les teintes fraîches printanières, le vert nouveau des hêtres, le blanc des stellaires. Elle avait repéré les petits secrets de rares stations de jacinthes blanches. Pourquoi l’étaient-elles ? Peu importe finalement. Les regarder, revenir demain. Le corps et l’esprit oscillaient entre le désir d’arpenter les arrondis des boisements et celui de s’asseoir et d’ attendre. Les troncs des chênes, des charmes. Et trouver les orchis pourpres ! Elle avait lu que les orchidées, rares, préparaient des milliers de graines. Quel mystère là devant moi songeait-elle, toutes ces graines de fleurs tenues par une même plante robuste et assez haute. Il ne fallait surtout pas l’écraser, marcher sur la pointe des pieds bien souvent. Elle s’égayait à compter le nombre de petites dames, fleurs aux robes claires brodées de motifs pourpres, aux chapeaux rouge-brun dissimulant les visages qu’elle lisait ou dessinait gracieux, raffinés même. Il y avait comme quelque chose d’attirant, de singulier, la rareté peut être. Les orchidées et Camilla étaient à se proposer à chacune un petit rôle, un spectacle organisé à trente centimètres du sol, rieur, aérien, quand une fauvette grisette, bienvenue invitée de ce jour, et qui chante depuis une minute peut-être, la fait lever de ce souvenir pimpant d’enfance. « Bonjour toi », chuchote Camilla. Cette fauvette, élancée, svelte, discrète, confond ses teintes chaudes de roux et de gris dans les enchevêtrements bas de la haie et du talus. Elle reprend, de l’autre côté, une série de chants du haut de sa branche d’aubépine, des notes légères et dynamiques. La présence appropriée de l’oiseau permet l’imprévu du chemin, de longer les haies fleuries par la pâture finalement, vers le ruisseau. Cheminer et découvrir, trouver d’autres émotions. Elle songe à cette alternance de l’esprit et du corps, ces légèretés aériennes, des flux de la pensée et des mouvements. Est-ce cela qui te définit Camilla ? Se dit-elle. En tout cas le temps et la place d’oser y mettre des ressentis, des sensations. Les rayons du soleil animent l’eau du ruisseau, éclairent le lit argileux de motifs en mailles arrondies, suivent les ondulations presque animales des herbiers de callitriches. Et les arbres nuancent de céladon l’eau vive. Cette force de vie intemporelle, énigmatique, évoque à Camilla ses songes enthousiastes et chaleureux, et, avant ce repos avec Mary, ces semaines de travail d’écriture passionnante avec le groupe des seniors des villages alentours. Nul doute le recueil sera beau, ses mots, ses photos, les voix, le temps, l’envie de maintenant. Tiens il est 9:15, l’équipe doit déjà être au thé et, les Smith ont proposé un gâteau aux fleurs cristallisées. Madame Smith aime cuisiner et partager. Aujourd’hui il y a les mots à écrire pour les écoles, la mise en page à affiner ; je devine les visages inspirés, se dit Camilla. Comme l’eau des gouttes, ses mots s’agitent, sereinement, sont plein d’entrains, viennent les uns après les autres, et suivent ses joies et ses labeurs, des quêtes de légitimité, de vieilles complicités, de douces évidences, des yeux dans le vague et des larmes cachées, des accords à s’accueillir, une lucidité. Est-il bon d’ observer avec les mots, d’en faire le choix dans les replis les plus délicats et les plus intenses ? « Oui » se répond Camilla, et des notes techniques sur le carnet ; les feuilles des aulnes sont de sons et de silences. Et la joie attendue ce matin ! « Nous passerons avec Mary au bord de l’eau cette après-midi. » « Allez lumières chéries du Weald, il est 9:30, filons aux jardins de Vita ! » D’une respiration complète et profonde, régulièrement, naturellement, Camilla déroule le pas, caresse des fleurs en passant et saisit ces petites bulles d’air parfumées. Déjà les toits de l’entrée et la tour, le parking sur la gauche, et se glisser dans le bosquet de Noisetier devant la jardinerie fait vibrer le cœur plus encore aujourd’hui. Les bruissements des feuilles sous ce très léger vent semblent orchestrer quelques voix, elles viennent de l’accueil. Les bénévoles probablement, en sourit Camilla, le corps légèrement penché vers l’avant., comme pour bien vite les rejoindre. Et voilà une silhouette discrète et connue du village. Elle s’occupe ce matin de cartons de livres d’occasion pour la boutique. L’élégante et plaisante Madame Hudson ! « Oh, bonjour ma petite Camilla ! » dit-elle. Elles se connaissent depuis si longtemps. Elle tenait le salon de coiffure de Cranbrook, à côté de Sissinghurst. Camilla y allait avec sa maman. Elle y amenait et a toujours amené des petits bouquets de fleurs de saison, des primevères jaunes et joyeuses, des myosotis éclatants de bleus, des timides et naturelles compositions de graminées rendues plus légères de quelques brins de ficelle de la ferme et de fleurs inconnues, du cerfeuil sauvage peut-être. Madame Hudson craquait pour le charme de ses bouquets de juliennes des Dames parées de roses aux teintes crèmes, roses et abricotées, de petits décors de vert des tiges et épis de pâturins. Elle avait le chic de mettre en scène ses bouquets dans le salon, entre les accessoires et les magazines, devant les longs rideaux beige et légers, et cette impression qu’ils filtraient la lumière ou jouaient avec elle lorsque la porte s’ouvrait. Camilla a récupéré ces rideaux, devenus rideaux encore, et coussins posés çà et là, le fauteuil qu’aimait Lucy, le bois du parquet, et des sacs parfumés d’Aspérule, des écrins à y glisser quelques notes. « Tes cheveux roux châtains sont toujours si beaux, et ce soleil du matin ! Quel bon vent t’amène ? » Camilla les aime bien oui, et elle explique qu’elle attend Mary. « Oh oui, Mary, c’est adorable ! Elle vient d’Exeter ? » dit Madame Hudson. Elle est partie d’Exeter, s’est régalée en visitant la roseraie de Mottisfont, puis la maison d’Alfriston. Elle a dormi dans ce village hier. « Nous allons passer plusieurs jours ensemble. » dit Camilla. Madame Hudson pose un regard vif et réjoui, d’ une discrétion distinguée, comme une réponse aux traits de Camilla, d’un regard maternel sur ses yeux verts, soulignés de points de rousseur sur tout le visage. Et le soleil, si singulier ce matin, a déjà rencontré le gazebo, le verger, et la tour, se faufile et illumine maintenant les grands arbres sur son côté, vers la ferme. Madame Hudson a toujours vécu à Sissinghurst, au village, et avec les clients du salon qu’elle a quitté il y a deux années à 72 ans. « Est-ce que le bénévolat te ravit Susan ? » Il semble que oui, à la voir si rayonnante, ce visage empli de bonté comme les aime Camilla. Entre bénévoles, elles entretiennent une bonne ambiance, rient bien souvent, avec simplicité, elles-mêmes, humaines.. « Nous as-tu entendues en arrivant ? » s’étonne t-elle un peu complice. Toutes les deux rient aux éclats, se tiennent les mains par de délicates attentions. Viens voir ! Oooh je sais que ce livre va plaire à Mary ! « Wood and garden », de la grande Gertrude Jekyll ! Une seconde édition de 1899 ! Elles relèvent les yeux, croisent leurs lueurs. Oui Mary allait aimer, avec ses yeux noisettes émerveillés, sa spontanéité et son côté pratique, elle tourne presque déjà les pages, à imaginer des scènes de vie et de jardin, à demander son avis à Camilla. « Je vais payer le livre maintenant ! Puis-je t’offrir un thé en bas ? » dit Camilla. Toute affairée, Susan souhaite plutôt se faire inviter demain à les écouter toutes les deux. « Disons 10:00 le matin » C’est ainsi que Susan va revoir Mary. Elles se sont vues l’automne dernier pendant le « Poppy Appeal ». Elles avaient bien échangé et ri sur la vie en cuisinant des gâteaux pour la commémoration du Dimanche. « Allez je t’aide à décharger ces quatre derniers cartons de livres. » dit Camilla. Susan accepte d’un sourire empli de douceur le geste de gentillesse. « Je te remercie Camilla ! Nous allons avoir un beau ciel bleu toute la journée. Profitez bien de vous deux ! » Il fait une matinée rayonnante. « Je vais avancer vers l’entrée » se dit Camilla. Les doigts affleurent l’ouvrage patiné par son temps. Édité à Londres, il a ensuite vécu dans le Surrey d’après cette note en seconde page. Un moment de satisfaction, à la façon de ces pas légers et déterminés ; et le regard profond, là, se pose lui sur ces touches de rose et blanc de la pelouse sauvage, des invitations entre les épis légers de mouvement et de transparence. « Pourquoi ai-je pensé aux rideaux tout à l’heure ? Il y avait ce matin dans la chambre ce léger vent venu des champs d’orge ? J’ai laissé la fenêtre entre-ouverte pour faire rentrer les couleurs. » Et, dans l’herbe haute de la pelouse, des voiles calmes semblent rouler vers les bruissements des feuilles proches, et les vallons du paysage au loin, les vagues libres du Devon. Il y a peut être dans son esprit les chemins de randonnées à vélo, longeant les calcaires crèmes des South Downs du Surrey, celui de Gertrude Jekyll. Elle était une artiste, photographe, une paysagiste qui, avec le regard de la peintre, savait assembler entre-elles des centaines de fleurs du jardin. « C’est un hommage à la beauté et aux possibilités de l’héliotrope et du chèvrefeuille, primevères auricules, gueules-de-loup, iris et corydales, et de toutes ces plantes rendant vivants et exaltants les jardins anglais. Pratique, avisée et réjouie à la fois, elle écrit avec enthousiasme sur les couleurs et les parfums. » lit Camilla. Dans le chapitre des parfums et des fleurs, elle relit une première fois ce passage aussi simple que le sont ses floraisons. « Peut-être que les plus délicieux de tous les parfums de fleurs sont ceux dont la tendresse et la délicatesse se font juste un peu désirer. Un tel parfum est celui de la fleur de pommier, des petites pensées, d’un rosier sauvage. » Elle remonte mot après mot le texte pour aller voir ce que l’auteure voit ; et dans son contexte de l’époque ce qu’elle a offert de si important aux avancées de l’art. Des pois de senteur, un rose frais et pâle, des fraises, des œillets, une petite plante modeste, au soleil, les daphnés, l’odeur des buissons de ronces, entre des noms latins. La seconde lecture de la phrase lui amène à la fois une fraîcheur inouïe, évidente, fait écho à ses illustrations de livres pour enfants, aux gestes de Mary et l’art de faire des jardins. « Oui, elle va aimer. ». Ce livre, comme une lettre bien souvent, arrive au bon moment. Ce lieu de ressource, de protection souffle avec subtilité sur le désir de faire. Camilla le referme délicatement. Elle adore ces bons moments, prendre plaisir, le son du papier cadeau en kraft, une place trouvée au fond du sac, une surprise à offrir entre deux fleurs ; ou pendant le thé ? Le glisser entre ses mains. Mary fermerait les yeux, écouterait les sons agréables du sachet. « Oui, elle utiliserait ses sens. » songe Camilla. « Les mimiques de son visage, ses longs doigts fins, ses pauses habituelles à écouter, et cette curiosité naturelle partagée. Nos vivantes énergies discrètement aquarellées de mystères et de bulles de soi. » Mary aime le blanc, l’orange, le rose. Elles se sont rencontrées sous le blanc des cerisiers. Ces nombreux partages depuis ; et ce matin, ce refuge de beauté, le concentré en effet iconique d’une des cultures anglaises, des jardins nés dans les années 1930 des passions et amours de Vita Sackville-West. Sous cette arche de l’entrée, les premières visites s’organisèrent en cette fin de cette décennie. En U autour de la pelouse, dans un vaste cadrage s’installe tout un décor et ses arrière-plans. À gauche une ancienne étable accueille la réception, le vieux séchoir à houblon est une salle d’exposition ; dans le bas de la cour gauche, la boutique, la grange élisabéthaine, « et le salon de thé. J’aime y passer le temps à trouver des idées, sur le carnet, au loin dans les collines », et le petit Chêne croise les chemins d’un ou trois miles. Devant Camilla, cette arche célèbre du long bâtiment de la période Tudor. Sur sa droite « j’entends les voix des jardiniers ». Ils parlent de la collection d’iris, méthodiquement alignée le long des serres dans la pépinière parfois ouverte aux curieux. Une visiteuse, un chandail fin de laine posé sur les épaules, d’un gris vert délicat, parle de gestes habiles de jardinage avec une autre bénévole, toute ravie d’échanger. Tout ce petit monde s’affaire. Madame Hudson et ses amies rient au loin. La bergeronnette grise depuis le petit toit, part, légère, vers la droite, à la ferme du château. « Et voilà la petite dizaine de mes chers peupliers modestes » – Mary, les mobiles de vie de ta lettre -, silhouettes élancées vers le ciel. Si le bruissement des feuillages fait penser à un mouvement musical rapide et agité, si plusieurs feuilles ralentissent, puis quatre jouent, le vent, plus lent, immobile maintenant, une feuille, là haut, fluide, que fait-elle ? Une minute passée ? Ou plusieurs. Chercher le mot. C’est aussi l’odeur de propolis des bourgeons qu’elle aime. Respirer. Camilla joue avec les vagues de ses cheveux mi-longs, détachés, éclairés sous les feuilles, et songe aux couleurs rousses des paysages lors des floraisons des peupliers. Le tremble a ses grands chatons d’étamines ocre rouge et de traits fins dorés. ( Les graines s’envolent en juin avec le vent. « Et comment les décrire ? Belles comme cette journée ? » se dit-elle. Cette journée sera t-elle belle de ces petits riens et autres instants qu’il est devenu tendance de célébrer ? Non cela ne les fera pas pousser. Elle sera belle de ces subtiles équilibres, des endroits de paix et de simplicité.) Les teintes, les regards descendent du tronc, calmement. « Quel jardinier a imaginé là une harmonie de couleurs ? » – elle parle tout bas près de ces fleurs – Les inflorescences roses d’origan, des feuilles vite teintées de vert jaune et d’orangé du géranium colombin, les épis vert blanchâtre des pâturins. Une feuille, puis deux, et les feuillages des peupliers reprennent un mouvement, comme des pas. « Je connais cette musique… » se dit Camilla. « Une belle harmonie ! » lui répond doucement Mary. « Tu es là ! » en lui prenant les deux mains. Déposant sac de coton et panier d’osier, les deux amies sautent de joie ! Elles se regardent complices et attrapent le moment du présent, un si long instant. Il pourrait durer un mois, une saison ? Oui se diraient-elles, depuis les feuilles parfumées et virevoltantes de novembre, les marches rieuses sous la pluie ; et le vent étreint, les pensées s’envolent avec les nuages vers la mer, de larges lumières en ouvrent d’autres. Le mois a duré une journée et s’ouvre ce matin le désir d’un long câlin, serrées l’une contre l’autre. C’est si bon, les mains tapotent les épaules, caressent les dos, les cheveux frôlent les joues, les paupières. « Je te regarde depuis un moment… » souffle Mary. « …C’est tellement bon de te revoir » murmure Camilla, les yeux partis sur les cheveux de sa chère amie, sa « fleur colorée » aussi ; et tout ce qu’elles ont fait depuis. « Ta nouvelle coiffure te va si bien ! » Mary a depuis toujours les cheveux auburn, toujours soignés, en accord avec ses vêtements classiques et chics, lumineux ; jouant contrastes discrets ou audacieux avec ses activités extérieures. Les cheveux en coupe carrée s’effilent de mèches un rien sauvages vers les joues et le cou, accompagnés d’un haut col rond, en teinte fraîche de vert menthe à l’eau, d’un pantalon à pinces, bleu marine. « Tu es craquante ! » lui dit Camilla. Souriantes, et nous voilà deux ! Des feuilles virevoltent, amples lumières ; des phrases s’échangent, impatientes surprises ; Alfriston, la roseraie de Mottisfont, le chemin depuis le village. « Voilà une surprise pour toi dans le panier, elle vient de Mottisfont » dit Mary. « Puis-je imaginer un rosier ancien ? » répond Camilla. « Rose, crème, abricoté » dit Mary « Parfum ! » répond Camilla. Mary a choisit ‘Félicia’ pour ses généreux bouquets, un buisson et ses boutons ornés de vert ; leurs goûts partagés pour ces roses solides, anciennes et modernes à la fois. ‘Félicia’, un rosier musqué anglais de 1928, proposera son parfum délicat jusqu’à l’automne. Il trouvera sa place auprès du craquant géranium ‘Blue Cloud’ s’imaginent-elles, solide, aérien, bleu pâle cristallin, il se glissera dans les branches du rosier. « J’aimerais te montrer cette harmonie Mary. Voilà ! L’origan, le géranium, les pâturins. Les couleurs, entre-elles, la vie sauvage. » dit Camilla. « Oh oui ! Merci ! La nature… fait bien les choses. » dit Mary cherchant des mots. De longues secondes égrainent leurs gestes et regards ; les doigts touchent, les yeux esquissent. Ces plantes dessineraient à elles-seules un jardin, à chaque floraison. « Et les géométries des fleurs et feuillages se répondent » dit Mary, partageant avec Camilla l’accueil de ces fleurs sauvages au jardin, l’art de les disposer avec des ornementales, certes ; et c’est aussi la vie sauvage, parce qu’elle existe, une belle façon de regarder jardiner demain. Ses mouvements et ses sagesses. « J’ai beaucoup aimé lire dans ta lettre la beauté de scènes de ta rue à Exeter, et des personnages, ils nous rendent silencieuses et nourrissent, je trouve. » Camilla et Mary remontent peu à peu le chemin, longent l’entrée et son rosier ‘Madame Alfred Carrière’, les tilleuls argentés, et ces briques aux teintes si anglaises. « Nous pourrions à deux commencer l’écriture d’un texte sur notre rencontre, à l’instant » dit Camilla. Des rires complices suivent les mots, le soleil. « Oui, – et comme tu le disais à la mi février dans un texto – un essai qui serait autre chose qu’un essai, par sa forme, son esthétique, sa nature. » répond Mary. Elles avaient également parlé toutes deux de ces si nombreuses façons d’être femmes, légitimement presque. Nous sommes un ensemble d’autres expériences de femmes, qui fleurissent, s’épanouissent , réfléchissent, puis se confrontent à d’autres regards. Et cette liberté d’être soi-même aussi. « Allons savourer un cream tea ! » propose Camilla. éric
« Les ombelles et moi attendons la lumière du soleil. Ce matin, la lumière du soleil nous attend. » éric photos Astrantia major ‘Shaggy’, Helenium autumnale ‘Pumilum magnificum’ Astrantia major ‘Rubra’, Echinacea purpurea ‘Tangerine Dream’ Astrantia « Elles et lui connaissent ces lieux, dans le jardin, sous les ombres parfumées. Nous connaissons ces lieux, nous nous y retrouvons aux alentours de la mi-juin, les ombelles et moi attendons la lumière du soleil. Ce matin, la lumière du soleil nous attend. Elle va se glisser parmi les graciles astrances, entre leurs fleurs en ombelles, coussins arrondis de petites perles blanches, élégants parapluies teintés de roses et de vert pâle où les syrphes aiment s’y poser. Si j’étais une fauvette des jardins qui cherche une assise pour le nid tapissé des graines cotonneuses des peupliers voisins, ou un petit aventurier qui vient de découvrir une loupe de botaniste dans le large tiroir au bouton de verre poli, j’aimerais me glisser dans ce paysage, dans ce jardin de petits troncs colorés de framboise gaie, de vert de gris, de blanc crayeux après la pluie, dans ce sous-bois des tiges des ombelles de cette fleur, là. Oui, celle-ci, Astrantia, petite étoile. Je songe au boisé de merisiers, bouleaux et noisetiers, où pousse la cousine de l’astrance, la sanicle d’Europe aux ombelles rosâtres, serrées et irrégulières. Ce boisé de mon enfance abrite la campanule gantelée, la grande luzule, la fougère scolopendre, la mercuriale des bois. Il se dessine aussi des silhouettes courbes des dryopteris et des canches cespiteuses. La sanicle des sous-bois, la buplèvre des lieux secs, le panicaut du bord de mer, l’hydrocotyle le long des ruisseaux, originales Apiacées, souvenirs de mon adolescence. Et c’est à l’intention de créer un jardin avec des astrances que je pense ce matin, à ces moments si plaisants et parfois impalpables, des vécus et des visuels à entrer dans une histoire puis un projet, aux premiers tracés de crayons graphites, à la joie intérieure de satisfaire ; à ce charmant couple de Londres. Ils me confièrent de redessiner et de concevoir le petit jardin de leur maison, dans une rue discrète de Greenwich. Je relis mon carnet. Que le jardin et le séjour s’invitent et s’unissent à ne faire qu’une grande pièce, voilà ce que souhaitent d’abord Florence et Henry, vivre le jardin sans avoir à y être. Il est composé d’une grande pelouse, de quelques vivaces colorées, d’un bouleau pleureur – Betula pendula ‘Youngii’ – bien installé, d’un jeune noisetier, d’herbes spontanées précieuses, du lierre. Son plan n’est plus en synergie avec la maison et ses matériaux, avec le style de vie du couple. Avec le nouveau séjour et un bureau atelier ajoutés , conçus de larges baies vitrées, le jardin a maintenant une forme en T inscrite dans un rectangle de 25 m par 15,50 m. Il offre un sol riche et plutôt frais à tendance argileuse, de belles mi-ombres. Depuis ce séjour ou de l’atelier, il est possible d’embrasser tout le paysage. « Quels sont vos moments préférés de vie, je leur demande, les anniversaires, des envies particulières, des instants à faire vibrer ? » Florence répond avec un large sourire : « – Ton anniversaire est le 20 mai, dès les premières roses. – Le tien avec les Astrances, le 15 juin ! » s’exclame Henry. Les plantes et les dates, les sourires et la simplicité de nos échanges sont notre bonne base. Et des astrances ! Se détendre après la journée de travail. Puis la fin du printemps, les soirées colorées d’été, les douceurs automnales où la nature se pose, le délicieux mois de novembre, les parfums méconnus de l’hiver, et la joie des fleurs du printemps. Et reviennent mai et juin. Je les écoute. D’autres mots, et je regarde ces briques patinées rougeâtres aux nuances de craie rosée de la maison, celles gris fusain clair des extensions, et la terrasse en L autour du séjour, pavée des mêmes dalles de pavés gris clair des pièces intérieures. Matériaux intemporels, presque surannés, et leur élégantes touche de modernité. La lumière joue les reliefs, les lisses et les rugueux. Que diraient l’eau et les couleurs à leurs phrases ? À la question des couleurs et des mots qui inspirent et égayent les saisons, Florence propose avec délice : « J’aime le rose, ses teintes douces et pastels, ses nuances tendres pour la mi-ombre. Il est beau et amusant avec des blancs, exalté avec des bleus et des feuillages vert pâle. » « Sophistiqué, classique, tendre, joyeux.» prononce t-elle. Notre discussion nous amène vers les forêts du Surrey de son adolescence, Winkworth et Thursley, Puis elle nous conduit vers les alpages où elle découvrit, émerveillée, les astrances. Voilà ce que souhaite Florence dans leur jardin, des astrances célestes, des ambiances de légèreté du vent et de la lisère fraîche, d’eau ; éprise d’équilibre, d’harmonie. Elle aime le sens pratique. Vert est la couleur inspirante d’ Henry. Il a grandit à Londres. « Si familier dans la nature, dans les bois de Florence. » Les verts jouent avec toutes leurs tonalités, « et font vibrer nos sensibilités » ajoute t-il. J’aime relire sa phrase et ses mots : « Calme, harmonieux, printemps, naturel». Voilà les premières quêtes d’Henry qui exprime de profondes curiosités et aspirations, le besoin de calme et de réflexion. Il aime les violettes, et nous demande comment bien accueillir les amis de Florence dans ce jardin. Nous échangeons autour d’un délicieux thé. Ils aiment tous les deux prendre le temps de le préparer dans le séjour. Et les cerises de la campagne. Et les mots se donnent les uns aux autres, sont un cheminement, croisent des regards, effleurent le bord de l’eau, ondulent avec le vent. Ils aiment imaginer les lumières, composer des couleurs. Ainsi, le couple dit qu’il aimerait garder le bouleau existant, le jeune noisetier, et le vieux lierre qui cache le seul mur disgracieux du jardin ; Florence souhaite installer un nichoir à rougegorge, un gîte pour les hérissons. Cela correspond à l’un de mes souhaits, composer avec l’existant au mieux possible. Oui, c’est bien cela qui anime le jardin, faire confiance à la nature, composer avec elle, accueillir les plantes arrivées au fil de sa vie. Est-ce d’une graine que le lierre a commencé son aventure ici ? Entretenu, le voilà un excellent compagnon pour des camaïeux de vert, pour sa floraison et ses fruits. Il y a deux ans, le couple a trouvé ce lieu qui sait faire vibrer leurs émotions. Florence complète ma question de la finesse dans la création du jardin, Henry d’une posture avenante et rassurée, conclut celle de la subtilité. Oui, c’est bien cela qui m’importe, leurs demandes de couleurs et d’ambiances, les mots de leurs passés et du présent, une légèreté entre mi-ombre et lumière, et les subtilités de la nature. Subtiles étoiles, celles des bractées des fleurs de ces trois variétés de la grande astrance mises dans le jardin par le couple. Nous admirons. Astrantia major‘Rubra’ et ‘Shaggy’ trouvées à Kew Garden par Florence. Henry lui a offert ‘Florence’ ! ‘Florence’, une nouvelle variété de 60 cm de hauteur en floraison, propose des ombelles de toutes petites fleurs rose plutôt frais, disposées sur des collerettes de bractées nacrées, rose lavande. Ses fleurs sont comme de bijoux à reflets opalins, pour le jardin. Il en sera coloré. Les Astrances, vivaces faciles de culture, sont de petites merveilles du soleil léger à la mi-ombre, elles fleurissent avec générosité de la fin du printemps à l’été. Remontantes, elles refleurissent en septembre. J’aime les associer, dans un massif ou au bord d’un petit sentier, à composer des ambiances sophistiquées et sauvages. Quant à ces trois variétés, elles déclinent un subtil et délicieux camaïeu. Je les esquisse en harmonie de couleurs voisines sur le cercle chromatique, avec Rosa x moschata ‘Félicia’, Hydrangea macrophylla ‘Frilibet’, Dryopteris filis mas, Millium effusum ‘Aureum’, Tiarella cordifolia, Geranium phaeum ‘Alba’, sur le fond du Lierre et des graminées fines et délicates existantes. Séjour, jardin, atelier ; comme dans la composition d’une toile préraphaélite nous parcourons le paysage. J’imagine les plans et les scènes, à traiter avec la même précision, où chaque détail possède son importance, et le petit jardin, comme un récit ou une toile, peut se lire sous des regards naturaliste, horticole et symbolique. Je prends des photos pour les plans depuis le hall d’entrée, depuis les fauteuils intérieurs ou la table des repas, assis et debout sur la terrasse, près du lierre, accroupi en imaginant un premier sentier dans un sous bois clair, à toucher du bout des doigts le tronc du bouleau, en imaginant le noisetier grandi, en entrant dans l’atelier cosy et studieux. De retour à l’atelier à Cranbrook, je me penche sur les mots de Florence et Henry, sur l’idée centrale, l’interconnexion entre la palette de couleurs et de végétaux, les matériaux utilisés et le style du jardin. Donner une sensation de continuité dans les rythmes et l’harmonie. Deux sentiers proposent trois jardins bien proportionnés et intimistes, cheminent entre sous-bois, lisière, prairie, pelouses. L’effet souhaité toute l’année est celui d’une végétation généreuse. Roses et verts jouent les camaïeux, harmonies et contrastes. Le premier sentier, en arrondi doux, de plots de briques modernes carrelés des mêmes dalles que le séjour et la terrasse, mène au lieu de créativité et de travail, l’atelier. Il est un sas pour puiser ou confier des énergies, un cheminement de pauses. Le second sentier, en tracé plus sinueux, de graviers mignonnette, de trèfles et gazon, passe entre les troncs et les vivaces. Il est tel un cheminement en soi, un espace d’intériorité, une rencontre avec l’altérité aussi, à lui confier des exaltations comme des questionnements. Les lignes et les formes du jardin, les textures et les structures, en simplicité, amènent clarté et calme ; et cette touche d’un joyeux fouillis organisé du sous-bois. Le hérisson peut passer, les astrances se balancer, le merle se régaler. Des bancs de bois, celui des planches de rives, au graphisme épuré, permettre d’attendre le rougegorge aux premières lueurs du jour, de savourer un thé avec les scones encore tièdes, d’écouter la grive sous les feuillages du noisetier. Et sur la terrasse, les soirées et les nuits étoilées. Oui, chaque élément a une portée semblable, un équilibre, un confort. Le détour d’une graminée, les plantes voisines des fougères, un feuillage pour égayer, une fleur pour inviter le regard, la disposition des plots, la taille du noisetier et du lierre, les floraisons parfumées au fil des saisons. Les points focaux attirent et retiennent le regard, inviter à se déplacer ou si poser selon les désirs. Et vingt une variétés d’astrances qu’ils me demandèrent. Les variétés retenues furent ‘Alba’, ‘Buckland’, ‘Claret’, ‘Florence’, ‘Hadspen Blood’, ‘Madeleine Van Bennekom’, ‘Pink Pride’, ‘Pink Sensation’, ‘Primadonna’, ‘Princesse Sturdza’, ‘Rosea’, ‘Rosensinfonie’, ‘Rubra’, ‘Ruby Cloud’, ‘Ruby Star’, ‘Ruby Wedding’, ‘Shaggy’, ‘Star of Beauty’, ‘Super Star’ et ‘White Giant’. Toutes les plantes spontanées sont conservées et servent de bases. Fougères, hydrangeas, heucheras et graminées les accompagnent. Parmi les rosiers sont choisis les botaniques des collines du Surrey Rosa arvensis, Rosa pimpinellifolia ; puis en suivant l’histoire ‘Belle Isis’, ‘Celsiana’, Rosa x centifolia, ‘Stanwell perpetual’, ‘Madame Alfred Carrière’, ‘Souvenir de la Malmaison’, ‘Reine des Violettes’, ‘Cornélia’, ‘ Félicia’, ‘Ballerina’ ; ‘Scepter’d Isle’ ‘Gertrude Jekyll’ et ‘Sweet Juliet’. Le rose. Viennent les violettes souhaitées par Henry, des odorata, sororia et cornuta. Chaque mois propose sa plante parfumée, même l’hiver ; une fleur, un feuillage, des vivaces et bulbes, des arbustes comme Daphne odora ‘Aureomarginata’, Viburnum carlesii ‘Aurora’, Seringat ‘Manteau d’Hermine’. Le couple m’a confié, trois années après, les moments vécus en ces lieux depuis, leurs plaisirs, ces espaces d’intériorité tout comme de simplicité, ces joies à jardiner en ville, ces regards à se sentir vivant ; le tout avec couleurs, oui, la couleur, et l’eau, le vent. Et je songe à ce qui invite à pousser la porte d’un jardin. Pourquoi jardine t-on ? Et si le jardin nous appelait d’abord à la dimension secrète de la nature, discrète, intimiste ? Un moment à se tenir au monde, à soi ? La fauvette a bien coincé son nid dans les entrelacs sculptés des branches du bouleau, le petit garçon s’est émerveillé de détails d’ombelles et de fractales de feuillages sous sa loupe. Il a du croiser en chemin des tiges sèches et des radicelles, des lichens et des mousses ; l’oiseau discret, la Sylvia de la forêt, la musicienne raffinée, en a garni son nid. Et les saisons passent, le temps. Trois années après, me voilà assis dans ce jardin, en juin, dans les parfums des chèvrefeuilles. Florence et Henry préparent le thé et le cheesecake maison aux framboises du jardin. Ils sont très ravis du résultat. Les yeux et les sourires en disent tant. Depuis la maison et l’atelier, le jardin s’invite et unit. Nos mots profonds et son dessin subtil ont su ajouter de la vie, de la joie. Les ombelles et moi attendons la lumière du soleil. La lumière du soleil nous attend. Elle va se glisser parmi les graciles astrances, petites étoiles. Discrètes. » éric Astrantia Astrance Masterwort
Storrington, South Downs Way, 04 th August, éric photos the red kite | le milan royal, 48 cm South Downs Way, Storrington, West Sussex « And the red ochered The elegant bird hovers Follows the curves. Amazed, I spot, up there, again, the fine style of the Red Kite, its distinguished colours. It has arrived between the shrubs, the hedges, the lines from the bottom of the hill. Long thin arcshaped wings in the sky, forked tail rudder, skilful body, strong and unsure. It flies against the wind, light this morning, flies round, tacks, comes back, goes on its way. And on the limestone slope, the already warm air slightly slows my pace on the South Downs way, on the ridge of the undulating landscape, magnificent, underlined by the sea, timeless, far away. Near the waterhole, close to the hawthorn, in the whitish grey of the dry grasses, the sheep are in the shade. The wheat has been harvested, remain the ocher of the stubble, the oat, the soil, the flints and the chalk, some wool laid on the sweet brambles, by the wind that the junipers have made slowly whistle. The gatekeepers, the chalkhill blues and the small whites, light, lithe, flutter between the violets of the cornflowers, wild majorams and fieldscabious, the yellows of the toadflaxes, lady’s bedstraws and ragworts, the creams of the thistles, hogweeds and gramineaes. I am thinking of the birds, of the necessities and mysteries of life, the migration, to leave in autumn towards the continent, to cross the sea, to come back in Winter, in Spring, or do not leave. Far away, stretches, a story, which one, words, listen to them. I like to know they are alive, coloured, coming from the seasons. There are June, July, August, Summer time. The nests, the young, songs going on or fading away, and the first departures. There are September, October, November. Autumn. Winter time, from December to the end of February. Spring from March to the end of June. The moment of this morning in August, and the bird. » éric « Et le roux ocré L’ oiseau élégant flâne Suit les arrondis Émerveillé, je retrouve, là haut, les allures fines du milan royal, ses couleurs distinguées, il est arrivé entre les arbustes, les haies, les tracés depuis le bas de la colline. Longues ailes fines en arc dans le ciel, queue échancrée gouvernail, corps habile, puissant et hésitant, il remonte le vent, léger ce matin, cercle, louvoie, revient, continue son chemin. Et sur le coteau calcaire, l’air déjà chaud ralentit un peu la marche du sentier des South Downs, sur la crête du paysage vallonné, grandiose, souligné par la mer, intemporelle, au loin. Près du point d’eau, de l’aubépine, dans le gris blanchâtre d’herbes sèches, les moutons sont à l’ombre. Les blés ont été moissonnés, il reste l’ocre des chaumes, l’avoine, la terre, les silex et la craie, de la laine posée dans les ronces sucrées, par le vent, que les genévriers font lentement siffler. Les amaryllis, les argus bleu-nacré et les piérides, légers, agiles, volettent entre les violets des centaurées, origans et knauties, les jaunes des linaires, gaillets et séneçons, les crèmes des chardons, berces et graminées. Je songe à l’oiseau, aux nécessités et mystères de la vie, la migration, partir cet automne vers le continent, traverser la mer, revenir en hiver, au printemps, ou ne pas partir. Au loin, des étendues, une histoire, laquelle, des mots, ils s’écoutent, j’aime à les savoir vivants, colorés, venus des saisons. Il y a juin, juillet, août. L’été. Les nids, des oisillons, des chants continuent ou s’estompent, et des premiers départs. Il y a septembre, octobre, novembre. L’automne. L’hiver, de décembre à fin février, le printemps de mars à fin mai. L’instant de ce matin d’août, et l’oiseau. » éric red kite sculpture milan royal sculpture south downs sculpture
Emma chose a oak plank from the farm. Emma a choisi une planche de chêne de la ferme. photos The Sussex Hen | la Poule du Sussex, sculpture 40 cm I love a good old natter says the hen | la poule papote… the pheasant | le faisan, sculpture the bean goose | l’oie des moissons, sculpture the perch | la perche sculpture It will be dedicated to birds, to the night, to migration, sounds and songs. Elle sera dédiée à l’oiseau, à la nuit, à la migration, aux sons et chants. Nocturnes éric Sussex Hen sculpture sculpture Poule du Sussex Gallinaceae sculpture
This old bicycle mud guard rod has become the elegant 15 cm beak of a female Curlew, and the tarses of 8 cm of this great shore bird. I already imagine the reedy notes of the bird, an autumn morning on the opal coast. Cette ancienne tringle de garde boue de vélo est devenue l’élégant bec de 15 cm d’une femelle de Courlis cendré, et les tarses de 8 cm de ce grand limicole dont j’imagine déjà les appels flûtés, un matin d’automne sur la côte d’opale photos the eurasian curlew | le courlis cendré, 42 cm It will be dedicated to birds, to the night, to migration, sounds and songs. Elle sera dédiée à l’oiseau, à la nuit, à la migration, aux sons et chants. Nocturnes éric the eurasian curlew | le courlis cendré, sculpture Scolopacidae sculpture Limicole sculpture côte d’opale sculpture
Long night trips in migration, large dark eyes, its subtle plumage, at the end of the night a joy to listen to the bird. The Nightingale is in « Nocturnes », thirty five sculptures, European and Quebec Owls, night travellers and singers, and early birds. Longs voyages de nuit en migration, de grands yeux sombres, son plumage discret, la joie de l’écouter en fin de nuit. Le Rossignol est dans « Nocturnes », trente-cinq sculptures, de Chouettes et Hiboux d’Europe et du Québec, de voyageurs ou chanteurs de nuit, de chanteurs matinaux. photos The commmon Nightingale | le Rossignol philomèle, 16 cm éric The Nightingale | le Rossignol, sculpture
« Daffodils that come before the Swallow dares, And take the wind of March with beauty » William Shakespeare. « Les Jonquilles, qui arrivent avant que ne l’ose l’Hirondelle, Et se chargent des vents de mars tout en beauté » As for me, the Swallows, these birds of air often seem to blend with the colour shade of the skies and landscapes. From their studies and pictures, I see colours, sand, charchoal, pale flint, light grey sky, pure white, seaspray blue and metallic blue, brick red. The tail of an adult shows the length of the white spot of the outer tail. The steel sheet comes from an old agricultural tool, finding here a new life…. Ces oiseaux de l’air, les Hirondelles, me semblent souvent se confondre avec la palette de couleurs des ciels et des paysages. De leurs études et peintures, j’y vois des couleurs sable, fusain, silex pâle, ciel gris clair, blanc pur, bleus d’embrun marin et métallique, rouges brique. La queue d’un adulte montre ici la longueur de la tache blanche sur la rectrice externe (R6) La tôle d’acier vient d’un ancien outil agricole, retrouvant là une nouvelle vie… photos The barn Swallow, wingspan 34 cm | l’Hirondelle rustique, envergure 34 cm the sculpture, the South Cottage at Sissinghurst Gardens Daffodils at Sissinghurst | Jonquilles à Sissinghurst It will be dedicated to birds, to the night, to migration, sounds and songs. Elle sera dédiée à l’oiseau, à la nuit, à la migration, aux sons et chants. Nocturnes éric The barn Swallow | l’Hirondelle rustique, sculpture Hirondelle sculpture Swallow sculpture Swallow Sissinghurst
From woodlands to pastures the undulating driveway leads to Scotney Gardens. It is not seldom to come across the Pheasant, busy picking at the grass a little further on. If he is on the edge of the alley, the singular bird, soon worried, goes into hidding at a brisk, elongated, almost aerial pace. He has just reached a small Bramble and Heather shrub. The damp meadow, along the Sweet Bourne river, welcomes him as well, along the Alders, between the Carex touch. Among my childhood birds, that I think of – while sitting on the second-hand bookshop bench -, there are the Sparrows in a joyful gathering, the Goldcrest slenderness and delicacy, the Tawny owl attractive songs, and the Pheasant amazing colours. Entre boisements et pâtures, l’allée vallonnée conduit aux jardins de Scotney. Il n’est pas rare d’y croiser le Faisan, affairé plus loin à picorer dans les herbes. S’il est au bord de l’allée, l’oiseau, singulier, vite préoccupé, part se cacher d’un pas rapide, effilé, presque aérien. Il vient de gagner un petit massif de Ronces et de Bruyères. Les prairies humides le long de la rivière Sweet Bourne l’accueillent également, le long des Aulnes, entre les touches de Carex. Des oiseaux de l’enfance auxquels je songe – assis sur le banc de la second- hand bookshop – il y a les Moineaux en assemblée joyeuse, les finesses du Roitelet, les chants attirants de la Chouette hulotte, et les couleurs surprenantes du Faisan. photos The common Pheasant | Le Faisan de Colchide, 90 cm It will be dedicated to birds, to the night, to migration, sounds and songs. Elle sera dédiée à l’oiseau, à la nuit, à la migration, aux sons et chants. Nocturnes éric the common pheasant | le faisan de colchide, sculpture Phasianidés sculpture Galliformes sculpture
Two artists living a century apart, a correspondence,...
Une nouvelle, des sculptures | a short story, some...
Un essai | an essay. Mary et Camilla, amies complices...
« Les ombelles et moi attendons la lumière du soleil....
Storrington, South Downs Way, 04 th August, éric photos...
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Et le noir bougie Estompes sous la branche Matin de...
South Downs two chalk grassland birds | deux oiseaux...
The sheepbarn , the Preraphaelite paintings, November...
« Roses are perhaps Sissinghurst’s most iconic...
« You can send us your drawings, paintings, sculptures,...
SEVENTEEN SECONDS Released: 22 April 1980 Robert Smith,...
Unique animal art works exquisitely handcrafted in...
Intuition, poésie et douceurs, couleurs et formes,...
« L’harmonie du vent dans les arbres, le rythme...