Un essai | an essay. Mary et Camilla, amies complices de longue date, échangent autour de l’amitié, de la joie des lettres et des livres, de leurs passions, du style d’écriture de Camilla, l’acte d’écrire. Voici la lettre commençant mon essai, la première partie, à Exeter. éric. « Exeter, le dimanche 24 mai, Ma bien chère Camilla, comme j’aime te lire douce, joyeuse, si féminine, gracile, délicieusement badine, libre. J’ai aimé chercher les mots de la couleur entre les pétales délicats des Pensées, notre sens du rire et du temps partagé. Et tes plantes en pots et au jardin, parfumées, harmonieuses, intimes entre-elles, t’offrent le temps de les observer. Je les imagine devant ton entrée, lumineuses, amusées presque. À la chaleur des mots de ta lettre, je te vois dans ces lectures, tes écritures, des recherches d’émotions. Et les phrases sont-elles alors des tissages, des motifs de fleurs ? Tes roses moussues ici s’apprêtent à fleurir, de ces roses lilacées à rouge cerise. La taille que nous avions faite et que tu avais conseillé, l’été dernier, au tiers des branches, leur a été fructueuse. À l’instant de t’écrire, la Grive chante ses motifs mélodieux. Ils résonnent sur les grands troncs. Elle doit penser aux arbres, au vent ; tu sais, le Peuplier au bout du jardin. Je me demande à quoi pense l’arbre. Ses racines. Les feuilles bercent le silence de nos mots. À quoi penses-tu ? Le ciel, ample, vient de la mer, d’un vent léger de sud-ouest. À l’image des collines boisées et douces du Weald où tu es, le printemps du Devon est apaisant. Je t’amènerai une photographie. Nos lettres traversent l’Angleterre. Elles se sont confiées nos joies d’ouvrir les enveloppes arrivées un matin alors que le soleil éclaire les fenêtres d’une douceur infinie. La fleur. Admirer l’instant. J’ai tant hâte de parler avec toi de couleurs, de l’eau, du vent, du silence. Douze jours ensemble ! Ta maison, le village, les jardins, l’estate. Le temps. C’est bien cela, le temps. Je revois, oui, ma Camilla, des partages et le mystère de notre rencontre amicale, deux enfants, là, et la cour d’une nouvelle école, vaste, inquiétante je m’en souviens, à parler. Toi des plantes de la forêt, des jeux à la ferme, du foin aux moutons ; et moi des notes sur le piano, de Franz Schubert, des pièces de théâtre. Aimerais-tu devenir ornithologue ? Oui, avions-nous répondu ! L’intensité des regards j’imagine, un équilibre sans le savoir, nos onze ans ; et, je te comprends, l’idée pressentie, indistincte, timide, de complicités à venir. Et la joie que toutes ces possibilités allaient amener de réconfortant et de plaisant, avoir une amie. Et depuis, seules ou à deux, nous pensons, partageons, vivons. Et nos métiers, leurs sens profonds, passionnées. Quelle joie d’être soulevées, portées, inspirées par nos pensées si proches, ou parfois pas tout à fait. Nous ne sommes pas certaines que nous sachons toujours penser seules, oui. As-tu remarqué que nos lettres arrivent bien souvent au bon moment, où une sorte de solitude nous entoure, ou une même créativité nous exalte. Et, – je nous entends sourire – nos confiances naturelles se retrouvent en ces curieuses synchronicités. Oh, un livre et la couverture de laine, des esquisses sur nos tables à dessin, une ganache pour un gâteau. Toi aussi ? Je suis si heureuse de ton très bon résultat au semi-marathon ! Quelle vivacité tu as! Et, en effet, mes séances de kayak le long de l’Exe et en mer sont géniales. Quel décor ! L’eau siffle, je prépare le thé, ton thé préféré du Yorkshire avec les moutons sur la boîte en carton et cette personne assise sur le banc. Les yeux dans le vague, j’écoute, je souris de la surprise pour toi. Une carte postale de saison s’embellit d’un mot et se glisse avec la surprise dans le papier aux fougères découvert au magasin de Michelle. Ce cadeau ira bien – je pense – avec la couleur de tes yeux, de tes cheveux. Toutes les deux étaient mercredi à quelques pas dans les boutiques de la Grande Rue. Il y avait du monde, les gens étaient affairés, rieurs, flâneurs, et que sais-je encore ; pensées vers toi, observer, intarissablement, poliment ; imaginer, comprendre. Et l’esprit vif virevolte et se pose entre les lignes. Ne serions-nous pas emplies de ces joyeuses et similaires énergies à recevoir ou à écrire une lettre ? Cette même gaieté à converser sur tes thèmes d’écritures, et notre liberté d’écrire. À la fenêtre de l’atelier, les bras serrés contre moi, une main sur l’épaule, l’autre main et la chaleur de la tasse, j’accueille avec douceur ces moments d’être en soi, et les frissons et chuchotements sur ma peau. Des couleurs attirantes vibrent dehors. Une famille longe la ruelle vers les Ifs et la Cathédrale, j’entends les chiffres égrainer des pas sur les grands et petits pavés de l’entrée, et les deux enfants jouent avec une baguette magique peinte de blanc. Je ressens de la bonté dans les gestes, et leurs intonations rayonnantes sentent le printemps. Ils ont remarqué ce trou dans le mur où poussent la Linaire cymbalaire. Ils s’éloignent. Une femme passe maintenant, seule. Et ses pas… Vers où partent ses regards dis-moi ? Elle sent la branche fleurie du Bois-Joli, – le Daphné ‘Somerset’ – est-elle plongée dans l’émerveillement, des impermanences, et les parfums mêlés de Jacinthe, de Jasmin ou d’agrumes de l’arbuste arrondi ? Son geste et chacun de ses pas me semblent comme des personnages, comme le sont ces lieux, les détails de la branche, une fougère, ces promeneurs d’Exeter dans la ruelle de l’ Ours, une goutte de joie, ou encore la Grive. Ils sont unités simples, des miroirs de nos pensées, elles-mêmes personnages imperceptibles mais présents, mobiles, qui écrivent le récit de notre monde. À moins qu’elle ne soit préoccupée à se demander si le besoin d’affection est approprié, à vivre certaines solitudes – j’imagine – assourdissantes. Les enfants, petits magiciens, jouent au loin. Les rires – comme savent le faire les lettres – font disparaître le doute. La voilà à sourire, à pencher le regard vers eux. C’est aussi peut être cela qui l’anime, simplement, oui, une mélancolie toute anglaise. Hier, l’inauguration du jardin de la Cathédrale s’est bien déroulée ! Dans mon discours et celui des élèves, de la technique pratique – tu me connais – et de l’effervescence. Les élèves, les enseignantes et moi-même avons été spontanés dans nos présentations. Le choix de nouvelles essences liées à l’histoire des lieux et aux propositions de l’école a séduit les habitants. Les enthousiasmes étaient dans les regards des visiteurs, posés sur les carrés de calque bougeant comme des feuilles au vent, sur leurs mots drôles et adorables des enfants. Puis ces liens entre les fleurs que j’ai choisi dans mon projet, et les sculptures de la cathédrale… Nous avons terminé, festifs, par un joyeux et entraînant « Happy Hedgehog » chanté par les petits, et de bien délicieuses pâtisseries. Quelle joie d’avoir été retenue, et de redessiner et d’aménager ce lieu vivant, un cadeau de mes 48 ans. Nouvelles émotions, bientôt avec toi, à Sissinghurst. Çà me convient oui, nous nous retrouverons ce samedi 30 à 10:00 devant l’accueil des jardins. Jeudi, je serai à Mottisfont pour ses roses anciennes et ses parfums. Je te prendrai ‘Reine des Violettes’ et ‘Tuscany’ en photo. Vendredi, la route vers Alfriston pour visiter la maison et les jardins. Je me surprends à chuchoter doucement Reine des Violettes, les mots d’hier des enfants, et ceux de nos lettres, les crépitements de la bougie. Avec le soleil vous éclairez la pièce. Je cueille quelques bruits des Peupliers d’Italie, et t’envoie ces moments du présent, ces mobiles de vie. Prends mille douceurs de toi chère fleur colorée. » Mary Sissinghurst, le 30 mai Le regard ! La lumière ! À l’infini et comme une immensité les gouttes d’eau se sont posées sur les feuilles des arbres et des haies, l’herbe des pâtures. Et les idées passent d’un reflet à un autre. Et d’images en images, de leurs traits fins et arrondis, elles offrent chacune des petites histoires dans les histoires, de subtiles mélanges d’hypothèses et d’équilibres, des idées. Des sources. C’est à cela près l’appréciation que s’était faite Camilla, enfant, dans les chemins qui traversent les grands bois pour aller nourrir les moutons. Elle savait de quoi les brebis se régalaient, puis à quel moment caresser l’épaisse toison crème, le tour des oreilles et les joues chaudes de cette petite centaine des têtes noires affairées de foin de luzerne ou d’herbes, d’un peu d’avoine et de betteraves fourragères. Quelle heureuse découverte ! S’y glisser et écouter, accroupie, les papotages du troupeau bien satisfait. En suivant les vallons ondulés des bois de Sissingurst, elle allait voir les jacinthes sauvages, des étendues de clochettes délicates en haut de tiges penchées. Elles jouaient avec les teintes fraîches printanières, le vert nouveau des hêtres, le blanc des stellaires. Elle avait repéré les petits secrets de rares stations de jacinthes blanches. Pourquoi l’étaient-elles ? Peu importe finalement. Les regarder, revenir demain. Le corps et l’esprit oscillaient entre le désir d’arpenter les arrondis des boisements et celui de s’asseoir et d’ attendre. Les troncs des chênes, des charmes. Et trouver les orchis pourpres ! Elle avait lu que les orchidées, rares, préparaient des milliers de graines. Quel mystère là devant moi songeait-elle, toutes ces graines de fleurs tenues par une même plante robuste et assez haute. Il ne fallait surtout pas l’écraser, marcher sur la pointe des pieds bien souvent. Elle s’égayait à compter le nombre de petites dames, fleurs aux robes claires brodées de motifs pourpres, aux chapeaux rouge-brun dissimulant les visages qu’elle lisait ou dessinait gracieux, raffinés même. Il y avait comme quelque chose d’attirant, de singulier, la rareté peut être. Les orchidées et Camilla étaient à se proposer à chacune un petit rôle, un spectacle organisé à trente centimètres du sol, rieur, aérien, quand une fauvette grisette, bienvenue invitée de ce jour, et qui chante depuis une minute peut-être, la fait lever de ce souvenir pimpant d’enfance. « Bonjour toi », chuchote Camilla. Cette fauvette, élancée, svelte, discrète, confond ses teintes chaudes de roux et de gris dans les enchevêtrements bas de la haie et du talus. Elle reprend, de l’autre côté, une série de chants du haut de sa branche d’aubépine, des notes légères et dynamiques. La présence appropriée de l’oiseau permet l’imprévu du chemin, de longer les haies fleuries par la pâture finalement, vers le ruisseau. Cheminer et découvrir, trouver d’autres émotions. Elle songe à cette alternance de l’esprit et du corps, ces légèretés aériennes, des flux de la pensée et des mouvements. Est-ce cela qui te définit Camilla ? Se dit-elle. En tout cas le temps et la place d’oser y mettre des ressentis, des sensations. Les rayons du soleil animent l’eau du ruisseau, éclairent le lit argileux de motifs en mailles arrondies, suivent les ondulations presque animales des herbiers de callitriches. Et les arbres nuancent de céladon l’eau vive. Cette force de vie intemporelle, énigmatique, évoque à Camilla ses songes enthousiastes et chaleureux, et, avant ce repos avec Mary, ces semaines de travail d’écriture passionnante avec le groupe des seniors des villages alentours. Nul doute le recueil sera beau, ses mots, ses photos, les voix, le temps, l’envie de maintenant. Tiens il est 9:15, l’équipe doit déjà être au thé et, les Smith ont proposé un gâteau aux fleurs cristallisées. Madame Smith aime cuisiner et partager. Aujourd’hui il y a les mots à écrire pour les écoles, la mise en page à affiner ; je devine les visages inspirés, se dit Camilla. Comme l’eau des gouttes, ses mots s’agitent, sereinement, sont plein d’entrains, viennent les uns après les autres, et suivent ses joies et ses labeurs, des quêtes de légitimité, de vieilles complicités, de douces évidences, des yeux dans le vague et des larmes cachées, des accords à s’accueillir, une lucidité. Est-il bon d’ observer avec les mots, d’en faire le choix dans les replis les plus délicats et les plus intenses ? « Oui » se répond Camilla, et des notes techniques sur le carnet ; les feuilles des aulnes sont de sons et de silences. Et la joie attendue ce matin ! « Nous passerons avec Mary au bord de l’eau cette après-midi. » « Allez lumières chéries du Weald, il est 9:30, filons aux jardins de Vita ! » D’une respiration complète et profonde, régulièrement, naturellement, Camilla déroule le pas, caresse des fleurs en passant et saisit ces petites bulles d’air parfumées. Déjà les toits de l’entrée et la tour, le parking sur la gauche, et se glisser dans le bosquet de Noisetier devant la jardinerie fait vibrer le cœur plus encore aujourd’hui. Les bruissements des feuilles sous ce très léger vent semblent orchestrer quelques voix, elles viennent de l’accueil. Les bénévoles probablement, en sourit Camilla, le corps légèrement penché vers l’avant., comme pour bien vite les rejoindre. Et voilà une silhouette discrète et connue du village. Elle s’occupe ce matin de cartons de livres d’occasion pour la boutique. L’élégante et plaisante Madame Hudson ! « Oh, bonjour ma petite Camilla ! » dit-elle. Elles se connaissent depuis si longtemps. Elle tenait le salon de coiffure de Cranbrook, à côté de Sissinghurst. Camilla y allait avec sa maman. Elle y amenait et a toujours amené des petits bouquets de fleurs de saison, des primevères jaunes et joyeuses, des myosotis éclatants de bleus, des timides et naturelles compositions de graminées rendues plus légères de quelques brins de ficelle de la ferme et de fleurs inconnues, du cerfeuil sauvage peut-être. Madame Hudson craquait pour le charme de ses bouquets de juliennes des Dames parées de roses aux teintes crèmes, roses et abricotées, de petits décors de vert des tiges et épis de pâturins. Elle avait le chic de mettre en scène ses bouquets dans le salon, entre les accessoires et les magazines, devant les longs rideaux beige et légers, et cette impression qu’ils filtraient la lumière ou jouaient avec elle lorsque la porte s’ouvrait. Camilla a récupéré ces rideaux, devenus rideaux encore, et coussins posés çà et là, le fauteuil qu’aimait Lucy, le bois du parquet, et des sacs parfumés d’Aspérule, des écrins à y glisser quelques notes. « Tes cheveux roux châtains sont toujours si beaux, et ce soleil du matin ! Quel bon vent t’amène ? » Camilla les aime bien oui, et elle explique qu’elle attend Mary. « Oh oui, Mary, c’est adorable ! Elle vient d’Exeter ? » dit Madame Hudson. Elle est partie d’Exeter, s’est régalée en visitant la roseraie de Mottisfont, puis la maison d’Alfriston. Elle a dormi dans ce village hier. « Nous allons passer plusieurs jours ensemble. » dit Camilla. Madame Hudson pose un regard vif et réjoui, d’ une discrétion distinguée, comme une réponse aux traits de Camilla, d’un regard maternel sur ses yeux verts, soulignés de points de rousseur sur tout le visage. Et le soleil, si singulier ce matin, a déjà rencontré le gazebo, le verger, et la tour, se faufile et illumine maintenant les grands arbres sur son côté, vers la ferme. Madame Hudson a toujours vécu à Sissinghurst, au village, et avec les clients du salon qu’elle a quitté il y a deux années à 72 ans. « Est-ce que le bénévolat te ravit Susan ? » Il semble que oui, à la voir si rayonnante, ce visage empli de bonté comme les aime Camilla. Entre bénévoles, elles entretiennent une bonne ambiance, rient bien souvent, avec simplicité, elles-mêmes, humaines.. « Nous as-tu entendues en arrivant ? » s’étonne t-elle un peu complice. Toutes les deux rient aux éclats, se tiennent les mains par de délicates attentions. Viens voir ! Oooh je sais que ce livre va plaire à Mary ! « Wood and garden », de la grande Gertrude Jekyll ! Une seconde édition de 1899 ! Elles relèvent les yeux, croisent leurs lueurs. Oui Mary allait aimer, avec ses yeux noisettes émerveillés, sa spontanéité et son côté pratique, elle tourne presque déjà les pages, à imaginer des scènes de vie et de jardin, à demander son avis à Camilla. « Je vais payer le livre maintenant ! Puis-je t’offrir un thé en bas ? » dit Camilla. Toute affairée, Susan souhaite plutôt se faire inviter demain à les écouter toutes les deux. « Disons 10:00 le matin » C’est ainsi que Susan va revoir Mary. Elles se sont vues l’automne dernier pendant le « Poppy Appeal ». Elles avaient bien échangé et ri sur la vie en cuisinant des gâteaux pour la commémoration du Dimanche. « Allez je t’aide à décharger ces quatre derniers cartons de livres. » dit Camilla. Susan accepte d’un sourire empli de douceur le geste de gentillesse. « Je te remercie Camilla ! Nous allons avoir un beau ciel bleu toute la journée. Profitez bien de vous deux ! » Il fait une matinée rayonnante. « Je vais avancer vers l’entrée » se dit Camilla. Les doigts affleurent l’ouvrage patiné par son temps. Édité à Londres, il a ensuite vécu dans le Surrey d’après cette note en seconde page. Un moment de satisfaction, à la façon de ces pas légers et déterminés ; et le regard profond, là, se pose lui sur ces touches de rose et blanc de la pelouse sauvage, des invitations entre les épis légers de mouvement et de transparence. « Pourquoi ai-je pensé aux rideaux tout à l’heure ? Il y avait ce matin dans la chambre ce léger vent venu des champs d’orge ? J’ai laissé la fenêtre entre-ouverte pour faire rentrer les couleurs. » Et, dans l’herbe haute de la pelouse, des voiles calmes semblent rouler vers les bruissements des feuilles proches, et les vallons du paysage au loin, les vagues libres du Devon. Il y a peut être dans son esprit les chemins de randonnées à vélo, longeant les calcaires crèmes des South Downs du Surrey, celui de Gertrude Jekyll. Elle était une artiste, photographe, une paysagiste qui, avec le regard de la peintre, savait assembler entre-elles des centaines de fleurs du jardin. « C’est un hommage à la beauté et aux possibilités de l’héliotrope et du chèvrefeuille, primevères auricules, gueules-de-loup, iris et corydales, et de toutes ces plantes rendant vivants et exaltants les jardins anglais. Pratique, avisée et réjouie à la fois, elle écrit avec enthousiasme sur les couleurs et les parfums. » lit Camilla. Dans le chapitre des parfums et des fleurs, elle relit une première fois ce passage aussi simple que le sont ses floraisons. « Peut-être que les plus délicieux de tous les parfums de fleurs sont ceux dont la tendresse et la délicatesse se font juste un peu désirer. Un tel parfum est celui de la fleur de pommier, des petites pensées, d’un rosier sauvage. » Elle remonte mot après mot le texte pour aller voir ce que l’auteure voit ; et dans son contexte de l’époque ce qu’elle a offert de si important aux avancées de l’art. Des pois de senteur, un rose frais et pâle, des fraises, des œillets, une petite plante modeste, au soleil, les daphnés, l’odeur des buissons de ronces, entre des noms latins. La seconde lecture de la phrase lui amène à la fois une fraîcheur inouïe, évidente, fait écho à ses illustrations de livres pour enfants, aux gestes de Mary et l’art de faire des jardins. « Oui, elle va aimer. ». Ce livre, comme une lettre bien souvent, arrive au bon moment. Ce lieu de ressource, de protection souffle avec subtilité sur le désir de faire. Camilla le referme délicatement. Elle adore ces bons moments, prendre plaisir, le son du papier cadeau en kraft, une place trouvée au fond du sac, une surprise à offrir entre deux fleurs ; ou pendant le thé ? Le glisser entre ses mains. Mary fermerait les yeux, écouterait les sons agréables du sachet. « Oui, elle utiliserait ses sens. » songe Camilla. « Les mimiques de son visage, ses longs doigts fins, ses pauses habituelles à écouter, et cette curiosité naturelle partagée. Nos vivantes énergies discrètement aquarellées de mystères et de bulles de soi. » Mary aime le blanc, l’orange, le rose. Elles se sont rencontrées sous le blanc des cerisiers. Ces nombreux partages depuis ; et ce matin, ce refuge de beauté, le concentré en effet iconique d’une des cultures anglaises, des jardins nés dans les années 1930 des passions et amours de Vita Sackville-West. Sous cette arche de l’entrée, les premières visites s’organisèrent en cette fin de cette décennie. En U autour de la pelouse, dans un vaste cadrage s’installe tout un décor et ses arrière-plans. À gauche une ancienne étable accueille la réception, le vieux séchoir à houblon est une salle d’exposition ; dans le bas de la cour gauche, la boutique, la grange élisabéthaine, « et le salon de thé. J’aime y passer le temps à trouver des idées, sur le carnet, au loin dans les collines », et le petit Chêne croise les chemins d’un ou trois miles. Devant Camilla, cette arche célèbre du long bâtiment de la période Tudor. Sur sa droite « j’entends les voix des jardiniers ». Ils parlent de la collection d’iris, méthodiquement alignée le long des serres dans la pépinière parfois ouverte aux curieux. Une visiteuse, un chandail fin de laine posé sur les épaules, d’un gris vert délicat, parle de gestes habiles de jardinage avec une autre bénévole, toute ravie d’échanger. Tout ce petit monde s’affaire. Madame Hudson et ses amies rient au loin. La bergeronnette grise depuis le petit toit, part, légère, vers la droite, à la ferme du château. « Et voilà la petite dizaine de mes chers peupliers modestes » – Mary, les mobiles de vie de ta lettre -, silhouettes élancées vers le ciel. Si le bruissement des feuillages fait penser à un mouvement musical rapide et agité, si plusieurs feuilles ralentissent, puis quatre jouent, le vent, plus lent, immobile maintenant, une feuille, là haut, fluide, que fait-elle ? Une minute passée ? Ou plusieurs. Chercher le mot. C’est aussi l’odeur de propolis des bourgeons qu’elle aime. Respirer. Camilla joue avec les vagues de ses cheveux mi-longs, détachés, éclairés sous les feuilles, et songe aux couleurs rousses des paysages lors des floraisons des peupliers. Le tremble a ses grands chatons d’étamines ocre rouge et de traits fins dorés. ( Les graines s’envolent en juin avec le vent. « Et comment les décrire ? Belles comme cette journée ? » se dit-elle. Cette journée sera t-elle belle de ces petits riens et autres instants qu’il est devenu tendance de célébrer ? Non cela ne les fera pas pousser. Elle sera belle de ces subtiles équilibres, des endroits de paix et de simplicité.) Les teintes, les regards descendent du tronc, calmement. « Quel jardinier a imaginé là une harmonie de couleurs ? » – elle parle tout bas près de ces fleurs – Les inflorescences roses d’origan, des feuilles vite teintées de vert jaune et d’orangé du géranium colombin, les épis vert blanchâtre des pâturins. Une feuille, puis deux, et les feuillages des peupliers reprennent un mouvement, comme des pas. « Je connais cette musique… » se dit Camilla. « Une belle harmonie ! » lui répond doucement Mary. « Tu es là ! » en lui prenant les deux mains. Déposant sac de coton et panier d’osier, les deux amies sautent de joie ! Elles se regardent complices et attrapent le moment du présent, un si long instant. Il pourrait durer un mois, une saison ? Oui se diraient-elles, depuis les feuilles parfumées et virevoltantes de novembre, les marches rieuses sous la pluie ; et le vent étreint, les pensées s’envolent avec les nuages vers la mer, de larges lumières en ouvrent d’autres. Le mois a duré une journée et s’ouvre ce matin le désir d’un long câlin, serrées l’une contre l’autre. C’est si bon, les mains tapotent les épaules, caressent les dos, les cheveux frôlent les joues, les paupières. « Je te regarde depuis un moment… » souffle Mary. « …C’est tellement bon de te revoir » murmure Camilla, les yeux partis sur les cheveux de sa chère amie, sa « fleur colorée » aussi ; et tout ce qu’elles ont fait depuis. « Ta nouvelle coiffure te va si bien ! » Mary a depuis toujours les cheveux auburn, toujours soignés, en accord avec ses vêtements classiques et chics, lumineux ; jouant contrastes discrets ou audacieux avec ses activités extérieures. Les cheveux en coupe carrée s’effilent de mèches un rien sauvages vers les joues et le cou, accompagnés d’un haut col rond, en teinte fraîche de vert menthe à l’eau, d’un pantalon à pinces, bleu marine. « Tu es craquante ! » lui dit Camilla. Souriantes, et nous voilà deux ! Des feuilles virevoltent, amples lumières ; des phrases s’échangent, impatientes surprises ; Alfriston, la roseraie de Mottisfont, le chemin depuis le village. « Voilà une surprise pour toi dans le panier, elle vient de Mottisfont » dit Mary. « Puis-je imaginer un rosier ancien ? » répond Camilla. « Rose, crème, abricoté » dit Mary « Parfum ! » répond Camilla. Mary a choisit ‘Félicia’ pour ses généreux bouquets, un buisson et ses boutons ornés de vert ; leurs goûts partagés pour ces roses solides, anciennes et modernes à la fois. ‘Félicia’, un rosier musqué anglais de 1928, proposera son parfum délicat jusqu’à l’automne. Il trouvera sa place auprès du craquant géranium ‘Blue Cloud’ s’imaginent-elles, solide, aérien, bleu pâle cristallin, il se glissera dans les branches du rosier. « J’aimerais te montrer cette harmonie Mary. Voilà ! L’origan, le géranium, les pâturins. Les couleurs, entre-elles, la vie sauvage. » dit Camilla. « Oh oui ! Merci ! La nature… fait bien les choses. » dit Mary cherchant des mots. De longues secondes égrainent leurs gestes et regards ; les doigts touchent, les yeux esquissent. Ces plantes dessineraient à elles-seules un jardin, à chaque floraison. « Et les géométries des fleurs et feuillages se répondent » dit Mary, partageant avec Camilla l’accueil de ces fleurs sauvages au jardin, l’art de les disposer avec des ornementales, certes ; et c’est aussi la vie sauvage, parce qu’elle existe, une belle façon de regarder jardiner demain. Ses mouvements et ses sagesses. « J’ai beaucoup aimé lire dans ta lettre la beauté de scènes de ta rue à Exeter, et des personnages, ils nous rendent silencieuses et nourrissent, je trouve. » Camilla et Mary remontent peu à peu le chemin, longent l’entrée et son rosier ‘Madame Alfred Carrière’, les tilleuls argentés, et ces briques aux teintes si anglaises. « Nous pourrions à deux commencer l’écriture d’un texte sur notre rencontre, à l’instant » dit Camilla. Des rires complices suivent les mots, le soleil. « Oui, – et comme tu le disais à la mi février dans un texto – un essai qui serait autre chose qu’un essai, par sa forme, son esthétique, sa nature. » répond Mary. Elles avaient également parlé toutes deux de ces si nombreuses façons d’être femmes, légitimement presque. Nous sommes un ensemble d’autres expériences de femmes, qui fleurissent, s’épanouissent , réfléchissent, puis se confrontent à d’autres regards. Et cette liberté d’être soi-même aussi. « Allons savourer un cream tea ! » propose Camilla. éric
« Les ombelles et moi attendons la lumière du soleil. Ce matin, la lumière du soleil nous attend. » éric photos Astrantia major ‘Shaggy’, Helenium autumnale ‘Pumilum magnificum’ Astrantia major ‘Rubra’, Echinacea purpurea ‘Tangerine Dream’ Astrantia « Elles et lui connaissent ces lieux, dans le jardin, sous les ombres parfumées. Nous connaissons ces lieux, nous nous y retrouvons aux alentours de la mi-juin, les ombelles et moi attendons la lumière du soleil. Ce matin, la lumière du soleil nous attend. Elle va se glisser parmi les graciles astrances, entre leurs fleurs en ombelles, coussins arrondis de petites perles blanches, élégants parapluies teintés de roses et de vert pâle où les syrphes aiment s’y poser. Si j’étais une fauvette des jardins qui cherche une assise pour le nid tapissé des graines cotonneuses des peupliers voisins, ou un petit aventurier qui vient de découvrir une loupe de botaniste dans le large tiroir au bouton de verre poli, j’aimerais me glisser dans ce paysage, dans ce jardin de petits troncs colorés de framboise gaie, de vert de gris, de blanc crayeux après la pluie, dans ce sous-bois des tiges des ombelles de cette fleur, là. Oui, celle-ci, Astrantia, petite étoile. Je songe au boisé de merisiers, bouleaux et noisetiers, où pousse la cousine de l’astrance, la sanicle d’Europe aux ombelles rosâtres, serrées et irrégulières. Ce boisé de mon enfance abrite la campanule gantelée, la grande luzule, la fougère scolopendre, la mercuriale des bois. Il se dessine aussi des silhouettes courbes des dryopteris et des canches cespiteuses. La sanicle des sous-bois, la buplèvre des lieux secs, le panicaut du bord de mer, l’hydrocotyle le long des ruisseaux, originales Apiacées, souvenirs de mon adolescence. Et c’est à l’intention de créer un jardin avec des astrances que je pense ce matin, à ces moments si plaisants et parfois impalpables, des vécus et des visuels à entrer dans une histoire puis un projet, aux premiers tracés de crayons graphites, à la joie intérieure de satisfaire ; à ce charmant couple de Londres. Ils me confièrent de redessiner et de concevoir le petit jardin de leur maison, dans une rue discrète de Greenwich. Je relis mon carnet. Que le jardin et le séjour s’invitent et s’unissent à ne faire qu’une grande pièce, voilà ce que souhaitent d’abord Florence et Henry, vivre le jardin sans avoir à y être. Il est composé d’une grande pelouse, de quelques vivaces colorées, d’un bouleau pleureur – Betula pendula ‘Youngii’ – bien installé, d’un jeune noisetier, d’herbes spontanées précieuses, du lierre. Son plan n’est plus en synergie avec la maison et ses matériaux, avec le style de vie du couple. Avec le nouveau séjour et un bureau atelier ajoutés , conçus de larges baies vitrées, le jardin a maintenant une forme en T inscrite dans un rectangle de 25 m par 15,50 m. Il offre un sol riche et plutôt frais à tendance argileuse, de belles mi-ombres. Depuis ce séjour ou de l’atelier, il est possible d’embrasser tout le paysage. « Quels sont vos moments préférés de vie, je leur demande, les anniversaires, des envies particulières, des instants à faire vibrer ? » Florence répond avec un large sourire : « – Ton anniversaire est le 20 mai, dès les premières roses. – Le tien avec les Astrances, le 15 juin ! » s’exclame Henry. Les plantes et les dates, les sourires et la simplicité de nos échanges sont notre bonne base. Et des astrances ! Se détendre après la journée de travail. Puis la fin du printemps, les soirées colorées d’été, les douceurs automnales où la nature se pose, le délicieux mois de novembre, les parfums méconnus de l’hiver, et la joie des fleurs du printemps. Et reviennent mai et juin. Je les écoute. D’autres mots, et je regarde ces briques patinées rougeâtres aux nuances de craie rosée de la maison, celles gris fusain clair des extensions, et la terrasse en L autour du séjour, pavée des mêmes dalles de pavés gris clair des pièces intérieures. Matériaux intemporels, presque surannés, et leur élégantes touche de modernité. La lumière joue les reliefs, les lisses et les rugueux. Que diraient l’eau et les couleurs à leurs phrases ? À la question des couleurs et des mots qui inspirent et égayent les saisons, Florence propose avec délice : « J’aime le rose, ses teintes douces et pastels, ses nuances tendres pour la mi-ombre. Il est beau et amusant avec des blancs, exalté avec des bleus et des feuillages vert pâle. » « Sophistiqué, classique, tendre, joyeux.» prononce t-elle. Notre discussion nous amène vers les forêts du Surrey de son adolescence, Winkworth et Thursley, Puis elle nous conduit vers les alpages où elle découvrit, émerveillée, les astrances. Voilà ce que souhaite Florence dans leur jardin, des astrances célestes, des ambiances de légèreté du vent et de la lisère fraîche, d’eau ; éprise d’équilibre, d’harmonie. Elle aime le sens pratique. Vert est la couleur inspirante d’ Henry. Il a grandit à Londres. « Si familier dans la nature, dans les bois de Florence. » Les verts jouent avec toutes leurs tonalités, « et font vibrer nos sensibilités » ajoute t-il. J’aime relire sa phrase et ses mots : « Calme, harmonieux, printemps, naturel». Voilà les premières quêtes d’Henry qui exprime de profondes curiosités et aspirations, le besoin de calme et de réflexion. Il aime les violettes, et nous demande comment bien accueillir les amis de Florence dans ce jardin. Nous échangeons autour d’un délicieux thé. Ils aiment tous les deux prendre le temps de le préparer dans le séjour. Et les cerises de la campagne. Et les mots se donnent les uns aux autres, sont un cheminement, croisent des regards, effleurent le bord de l’eau, ondulent avec le vent. Ils aiment imaginer les lumières, composer des couleurs. Ainsi, le couple dit qu’il aimerait garder le bouleau existant, le jeune noisetier, et le vieux lierre qui cache le seul mur disgracieux du jardin ; Florence souhaite installer un nichoir à rougegorge, un gîte pour les hérissons. Cela correspond à l’un de mes souhaits, composer avec l’existant au mieux possible. Oui, c’est bien cela qui anime le jardin, faire confiance à la nature, composer avec elle, accueillir les plantes arrivées au fil de sa vie. Est-ce d’une graine que le lierre a commencé son aventure ici ? Entretenu, le voilà un excellent compagnon pour des camaïeux de vert, pour sa floraison et ses fruits. Il y a deux ans, le couple a trouvé ce lieu qui sait faire vibrer leurs émotions. Florence complète ma question de la finesse dans la création du jardin, Henry d’une posture avenante et rassurée, conclut celle de la subtilité. Oui, c’est bien cela qui m’importe, leurs demandes de couleurs et d’ambiances, les mots de leurs passés et du présent, une légèreté entre mi-ombre et lumière, et les subtilités de la nature. Subtiles étoiles, celles des bractées des fleurs de ces trois variétés de la grande astrance mises dans le jardin par le couple. Nous admirons. Astrantia major‘Rubra’ et ‘Shaggy’ trouvées à Kew Garden par Florence. Henry lui a offert ‘Florence’ ! ‘Florence’, une nouvelle variété de 60 cm de hauteur en floraison, propose des ombelles de toutes petites fleurs rose plutôt frais, disposées sur des collerettes de bractées nacrées, rose lavande. Ses fleurs sont comme de bijoux à reflets opalins, pour le jardin. Il en sera coloré. Les Astrances, vivaces faciles de culture, sont de petites merveilles du soleil léger à la mi-ombre, elles fleurissent avec générosité de la fin du printemps à l’été. Remontantes, elles refleurissent en septembre. J’aime les associer, dans un massif ou au bord d’un petit sentier, à composer des ambiances sophistiquées et sauvages. Quant à ces trois variétés, elles déclinent un subtil et délicieux camaïeu. Je les esquisse en harmonie de couleurs voisines sur le cercle chromatique, avec Rosa x moschata ‘Félicia’, Hydrangea macrophylla ‘Frilibet’, Dryopteris filis mas, Millium effusum ‘Aureum’, Tiarella cordifolia, Geranium phaeum ‘Alba’, sur le fond du Lierre et des graminées fines et délicates existantes. Séjour, jardin, atelier ; comme dans la composition d’une toile préraphaélite nous parcourons le paysage. J’imagine les plans et les scènes, à traiter avec la même précision, où chaque détail possède son importance, et le petit jardin, comme un récit ou une toile, peut se lire sous des regards naturaliste, horticole et symbolique. Je prends des photos pour les plans depuis le hall d’entrée, depuis les fauteuils intérieurs ou la table des repas, assis et debout sur la terrasse, près du lierre, accroupi en imaginant un premier sentier dans un sous bois clair, à toucher du bout des doigts le tronc du bouleau, en imaginant le noisetier grandi, en entrant dans l’atelier cosy et studieux. De retour à l’atelier à Cranbrook, je me penche sur les mots de Florence et Henry, sur l’idée centrale, l’interconnexion entre la palette de couleurs et de végétaux, les matériaux utilisés et le style du jardin. Donner une sensation de continuité dans les rythmes et l’harmonie. Deux sentiers proposent trois jardins bien proportionnés et intimistes, cheminent entre sous-bois, lisière, prairie, pelouses. L’effet souhaité toute l’année est celui d’une végétation généreuse. Roses et verts jouent les camaïeux, harmonies et contrastes. Le premier sentier, en arrondi doux, de plots de briques modernes carrelés des mêmes dalles que le séjour et la terrasse, mène au lieu de créativité et de travail, l’atelier. Il est un sas pour puiser ou confier des énergies, un cheminement de pauses. Le second sentier, en tracé plus sinueux, de graviers mignonnette, de trèfles et gazon, passe entre les troncs et les vivaces. Il est tel un cheminement en soi, un espace d’intériorité, une rencontre avec l’altérité aussi, à lui confier des exaltations comme des questionnements. Les lignes et les formes du jardin, les textures et les structures, en simplicité, amènent clarté et calme ; et cette touche d’un joyeux fouillis organisé du sous-bois. Le hérisson peut passer, les astrances se balancer, le merle se régaler. Des bancs de bois, celui des planches de rives, au graphisme épuré, permettre d’attendre le rougegorge aux premières lueurs du jour, de savourer un thé avec les scones encore tièdes, d’écouter la grive sous les feuillages du noisetier. Et sur la terrasse, les soirées et les nuits étoilées. Oui, chaque élément a une portée semblable, un équilibre, un confort. Le détour d’une graminée, les plantes voisines des fougères, un feuillage pour égayer, une fleur pour inviter le regard, la disposition des plots, la taille du noisetier et du lierre, les floraisons parfumées au fil des saisons. Les points focaux attirent et retiennent le regard, inviter à se déplacer ou si poser selon les désirs. Et vingt une variétés d’astrances qu’ils me demandèrent. Les variétés retenues furent ‘Alba’, ‘Buckland’, ‘Claret’, ‘Florence’, ‘Hadspen Blood’, ‘Madeleine Van Bennekom’, ‘Pink Pride’, ‘Pink Sensation’, ‘Primadonna’, ‘Princesse Sturdza’, ‘Rosea’, ‘Rosensinfonie’, ‘Rubra’, ‘Ruby Cloud’, ‘Ruby Star’, ‘Ruby Wedding’, ‘Shaggy’, ‘Star of Beauty’, ‘Super Star’ et ‘White Giant’. Toutes les plantes spontanées sont conservées et servent de bases. Fougères, hydrangeas, heucheras et graminées les accompagnent. Parmi les rosiers sont choisis les botaniques des collines du Surrey Rosa arvensis, Rosa pimpinellifolia ; puis en suivant l’histoire ‘Belle Isis’, ‘Celsiana’, Rosa x centifolia, ‘Stanwell perpetual’, ‘Madame Alfred Carrière’, ‘Souvenir de la Malmaison’, ‘Reine des Violettes’, ‘Cornélia’, ‘ Félicia’, ‘Ballerina’ ; ‘Scepter’d Isle’ ‘Gertrude Jekyll’ et ‘Sweet Juliet’. Le rose. Viennent les violettes souhaitées par Henry, des odorata, sororia et cornuta. Chaque mois propose sa plante parfumée, même l’hiver ; une fleur, un feuillage, des vivaces et bulbes, des arbustes comme Daphne odora ‘Aureomarginata’, Viburnum carlesii ‘Aurora’, Seringat ‘Manteau d’Hermine’. Le couple m’a confié, trois années après, les moments vécus en ces lieux depuis, leurs plaisirs, ces espaces d’intériorité tout comme de simplicité, ces joies à jardiner en ville, ces regards à se sentir vivant ; le tout avec couleurs, oui, la couleur, et l’eau, le vent. Et je songe à ce qui invite à pousser la porte d’un jardin. Pourquoi jardine t-on ? Et si le jardin nous appelait d’abord à la dimension secrète de la nature, discrète, intimiste ? Un moment à se tenir au monde, à soi ? La fauvette a bien coincé son nid dans les entrelacs sculptés des branches du bouleau, le petit garçon s’est émerveillé de détails d’ombelles et de fractales de feuillages sous sa loupe. Il a du croiser en chemin des tiges sèches et des radicelles, des lichens et des mousses ; l’oiseau discret, la Sylvia de la forêt, la musicienne raffinée, en a garni son nid. Et les saisons passent, le temps. Trois années après, me voilà assis dans ce jardin, en juin, dans les parfums des chèvrefeuilles. Florence et Henry préparent le thé et le cheesecake maison aux framboises du jardin. Ils sont très ravis du résultat. Les yeux et les sourires en disent tant. Depuis la maison et l’atelier, le jardin s’invite et unit. Nos mots profonds et son dessin subtil ont su ajouter de la vie, de la joie. Les ombelles et moi attendons la lumière du soleil. La lumière du soleil nous attend. Elle va se glisser parmi les graciles astrances, petites étoiles. Discrètes. » éric Astrantia Astrance Masterwort
Storrington, South Downs Way, 04 th August, éric photos the red kite | le milan royal, 48 cm South Downs Way, Storrington, West Sussex « And the red ochered The elegant bird hovers Follows the curves. Amazed, I spot, up there, again, the fine style of the Red Kite, its distinguished colours. It has arrived between the shrubs, the hedges, the lines from the bottom of the hill. Long thin arcshaped wings in the sky, forked tail rudder, skilful body, strong and unsure. It flies against the wind, light this morning, flies round, tacks, comes back, goes on its way. And on the limestone slope, the already warm air slightly slows my pace on the South Downs way, on the ridge of the undulating landscape, magnificent, underlined by the sea, timeless, far away. Near the waterhole, close to the hawthorn, in the whitish grey of the dry grasses, the sheep are in the shade. The wheat has been harvested, remain the ocher of the stubble, the oat, the soil, the flints and the chalk, some wool laid on the sweet brambles, by the wind that the junipers have made slowly whistle. The gatekeepers, the chalkhill blues and the small whites, light, lithe, flutter between the violets of the cornflowers, wild majorams and fieldscabious, the yellows of the toadflaxes, lady’s bedstraws and ragworts, the creams of the thistles, hogweeds and gramineaes. I am thinking of the birds, of the necessities and mysteries of life, the migration, to leave in autumn towards the continent, to cross the sea, to come back in Winter, in Spring, or do not leave. Far away, stretches, a story, which one, words, listen to them. I like to know they are alive, coloured, coming from the seasons. There are June, July, August, Summer time. The nests, the young, songs going on or fading away, and the first departures. There are September, October, November. Autumn. Winter time, from December to the end of February. Spring from March to the end of June. The moment of this morning in August, and the bird. » éric « Et le roux ocré L’ oiseau élégant flâne Suit les arrondis Émerveillé, je retrouve, là haut, les allures fines du milan royal, ses couleurs distinguées, il est arrivé entre les arbustes, les haies, les tracés depuis le bas de la colline. Longues ailes fines en arc dans le ciel, queue échancrée gouvernail, corps habile, puissant et hésitant, il remonte le vent, léger ce matin, cercle, louvoie, revient, continue son chemin. Et sur le coteau calcaire, l’air déjà chaud ralentit un peu la marche du sentier des South Downs, sur la crête du paysage vallonné, grandiose, souligné par la mer, intemporelle, au loin. Près du point d’eau, de l’aubépine, dans le gris blanchâtre d’herbes sèches, les moutons sont à l’ombre. Les blés ont été moissonnés, il reste l’ocre des chaumes, l’avoine, la terre, les silex et la craie, de la laine posée dans les ronces sucrées, par le vent, que les genévriers font lentement siffler. Les amaryllis, les argus bleu-nacré et les piérides, légers, agiles, volettent entre les violets des centaurées, origans et knauties, les jaunes des linaires, gaillets et séneçons, les crèmes des chardons, berces et graminées. Je songe à l’oiseau, aux nécessités et mystères de la vie, la migration, partir cet automne vers le continent, traverser la mer, revenir en hiver, au printemps, ou ne pas partir. Au loin, des étendues, une histoire, laquelle, des mots, ils s’écoutent, j’aime à les savoir vivants, colorés, venus des saisons. Il y a juin, juillet, août. L’été. Les nids, des oisillons, des chants continuent ou s’estompent, et des premiers départs. Il y a septembre, octobre, novembre. L’automne. L’hiver, de décembre à fin février, le printemps de mars à fin mai. L’instant de ce matin d’août, et l’oiseau. » éric red kite sculpture milan royal sculpture south downs sculpture
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